Les sous-espaces vectoriels

Sous-espaces vectoriels et affines

Dans la mesure où ce site est consacré aux techniques utilisées en entreprise, on peut vous imaginer, manageur dubitatif, maugréant : « les sous-espaces vectoriels ? C’est pas ça qui va doper mes ventes ! » sauf que ces fameux sous-espaces constituent le cadre dans lequel s’inscrivent les résultats très opérationnels de tous les modèles linéaires, de l’ANOVA à l’ACP en passant par la régression multiple. Même la décomposition d’une série chronologique en tendance et mouvements saisonniers peut s’expliquer en termes de sous-espaces vectoriels (voir « Séries temporelles et modèles dynamique » de C. Gourieroux et A.  Monfort, Economica 1995, p. 24).

Par conséquent, si vous voulez bien ouvrir le capot de certaines techniques...

 

Principes

Un mot au préalable sur la notion de stabilité d'un sous-ensemble \(F,\) partie d'un ensemble \(E.\) Il est stable pour son opération interne \(T\) si, pour tous ses éléments \(x\) et \(y,\) \(x\,T\,y \in F.\) De même, il est stable pour une opération externe \(*\) si, quel que soit le scalaire \(\lambda,\) \(\lambda \, * \, x \in F.\) En l'occurrence, l'opération interne sera l'addition et l'opération externe sera la multiplication par un scalaire, réel ou complexe.

Une partie non nulle d’un espace vectoriel est un sous-espace vectoriel (s.e.v) si celui-ci est stable pour l'addition et pour la multiplication par un scalaire, c'est-à-dire si toutes les combinaisons linéaires qu’il est possible de réaliser appartiennent à ce s.e.v.

Ce dernier inclut le vecteur nul puisqu’un vecteur du s.e.v multiplié par le scalaire « zéro » appartient, par définition, au s.e.v.

En revanche, le complémentaire d'un s.e.v n'est pas un s.e.v puisque, par définition, le vecteur nul n'en est pas un.

La dimension d'un espace vectoriel est supérieure ou égale à celle de chacun de ses s.e.v. Un sous-espace qui a une dimension de moins que son espace est un hyperplan (notion utile à connaître, notamment dans le cadre de la régression multiple).

 

Exemple

Illustrons cette notion décidemment très théorique : un plan défini par l’équation \(x + y + z + 1\) \(= 0\) constitue-t-il un s.e.v ? Non, puisque le vecteur nul \((0\,,0\,,0)\) n’en fait pas partie. Et si l’équation avait été \(x + y + z\) \(= 0\) ? Oui. D’abord, on constate que le vecteur nul vérifie la condition. Ensuite, on vérifie que ce sous-ensemble est stable pour l’addition : soit un deuxième vecteur tel que \(x’ + y’ + z’\) \(= 0,\) alors il va de soi que :

\((x + x’) + (y + y’) + (z + z’)\) \(= 0\)

Par exemple, le vecteur \((1\,, 1\,, -2)\) appartient au sous-espace et le vecteur \((2 \,, 0\,,-2)\) aussi. Leur somme \((3\,, 1\,,-4)\) en fait également partie puisque \(3 + 1 - 4\) \(=0.\)

Et la loi de composition externe, alors ? Pas de problème ! Multiplions notre vecteur par n’importe quel nombre, l’addition fera toujours zéro.

 

Intersection et union

Alors que l’intersection de plusieurs sous-espaces vectoriels en constitue forcément un autre, leur union en est rarement un. Voir la page d'opérations sur s.e.v.

 

Somme

La somme n'est pas la même chose que l'union. Une somme de s.e.v est un s.e.v engendré. Là aussi, voir les explications de la page d'opérations sur s.e.v.

 

Sous-espace affine

Dès la classe de troisième, chacun sait ce qu’est une fonction affine. Graphiquement, c’est la translation verticale d'une droite représentative d'une fonction linéaire (simple addition d'une constante à son expression algébrique).

De même que la droite représentative de la fonction linéaire passe par l’origine, un espace vectoriel \(E\) comprend le vecteur nul. Un sous-espace vectoriel aussi. En revanche, un sous-espace de \(E\) qui ne devient vectoriel qu’au prix d’une translation par un vecteur est un sous-espace affine (on peut considérer qu’un espace vectoriel est lui aussi affine avec une translation nulle mais nous ferons l’impasse sur ce genre de subtilité).

E

Par conséquent, pour que \(A\) soit un sous-espace affine de \(E,\) il faut que l’ensemble des vecteurs d’un sous-espace vectoriel \(S\) auquel s'ajoute un même vecteur \(u\) vérifie l’équation \(A = S + u.\)

Donc, dans l’espace en trois dimensions \(\mathbb{R}^3,\) un plan constitue un sous-espace vectoriel s’il passe par l’origine. S’il n’y passe pas, il se contente d’être affine.

Deux sous-espaces affines \(A\) et \(B\) sont parallèles si un même vecteur \(u\) permet là aussi de passer de l’un à l’autre, ce qui est d’ailleurs assez intuitif. Ainsi, il n’existe aucun point commun entre les deux sous-espaces \(A\) et \(B.\)

 

Autres sous-espaces

Les exemples de cette page sont illustrés par les vecteurs dans \(\mathbb{R}^n,\) mais la notion de s.e.v est beaucoup plus large.

Ainsi, l'espace des suites inclut le s.e.v des suites convergentes, ou encore celui des suites bornées...

L'espace des fonctions numériques permet de définir de nombreux s.e.v : les fonctions continues, les fonctions n fois dérivables, les fonctions bornées, les fonctions qui admettent une primitive, les fonctions paires, les fonctions impaires, etc. Voir notamment la page d'exercices sur l'espace des fonctions.

L'espace des polynômes inclut les s.e.v des polynômes de degré inférieur ou égal à \(n.\) En revanche, si le degré est ÉGAL à \(n,\) il ne s'agit pas d'un s.e.v puisque le polynôme nul n'en fait pas partie.

Les moyennes mobiles symétriques constituent un s.e.v de l’espace des moyennes mobiles.

 

Et l'analyse de données dans tout ça ?

Vous réalisez une ACP sur individus. Ces derniers se situaient dans l’espace vectoriel des variables mais à présent, les voici sur un premier axe factoriel, qui représente un s.e.v. Puis sur un second axe orthogonal au premier (ils n’ont en commun que le vecteur nul). La somme directe de ces deux s.e.v constitue le premier plan factoriel. Et ainsi de suite.

 

Exercice

Monter que l'espace des fonctions impaires est un s.e.v de l'espace des fonctions.

Corrigé

Supposons que \(F\) soit un s.e.v des fonctions impaires.

  • \(F\) est non vide. Par exemple, la fonction inverse est impaire.

  • La somme de deux fonctions \(f\) et \(g\) impaires est-elle impaire ?

    Nous avons \((f+g)(-x) = f(-x) + g(-x)\)

    Par définition des fonctions impaires, \(f(-x) + g(-x) = -f(x) - g(x)\)

    Or \(-f(x) - g(x) = -(f+g)(x)\)

    La somme de deux fonctions \(f\) et \(g\) impaires est impaire.

  • Le produit d'une fonction impaire par un réel \(\lambda\) est-elle une fonction impaire ?

    Nous avons \((\lambda f)(-x) = \lambda (f(-x))\)

    Par définition des fonctions impaires, \(\lambda (f(-x)) = \lambda (-f(x))\)

    Or \(\lambda (-f(x)) = - \lambda f(x)\)

    Le produit d'une fonction impaire par un réel \(\lambda\) est bien une fonction impaire.

\(F\) est le s.e.v des fonctions impaires.

 

prisonnier