L'efficacité d'une segmentation

Segmentation : critères et techniques

La segmentation est une opération clé du marketing. Elle est pratiquée à plusieurs niveaux. En amont, sa fonction est de préparer le positionnement d’un produit qui n’existe pas encore. Puis elle permet d’adapter le canal et le message publicitaire à la clientèle ciblée. Enfin, quand elle le peut, l’entreprise segmente sa propre clientèle pour mieux la rentabiliser et la fidéliser.

Quelles sont les conditions de son efficacité ?

 

Données

Il existe une belle panoplie de techniques statistiques, employées par des cabinets spécialisés ou en interne, selon les ressources dont disposent les marketeurs de l’organisation.

Elles reposent souvent sur des données externes. Le choix de quelles données sont à collecter relève souvent du bon sens. Par exemple, la taille du ménage est un critère de segmentation important pour le secteur de l’automobile mais beaucoup moins pour celui de la presse quotidienne.

famille

Les données les plus délicates à obtenir sont comportementales. Collectées par enquêtes, elles permettent à des instituts de sondage de définir des sociostyles. Ce sont des critères très puissants pour réaliser des segmentations efficaces.

Les abonnements et les achats sur Internet sont aussi le moyen d'enrichir des fichiers de clientèle comportant les adresses électroniques et diverses informations. Ceux-ci sont vendus à des fournisseurs de fichiers de prospection qui revendent ensuite des listes à d'autres acteurs du e-commerce en fonction de critères choisis. Ce sont donc des données à acquérir a posteriori même si, par leur grand nombre, elles peuvent aider à y voir clair sur un marché et, pourquoi pas, affiner une segmentation.

Exemple : https://www.easyfichiers.com/fr/particuliers

Mais toutes les données ne sont pas à chercher à l’extérieur. Souvent, les entreprises segmentent leur propre clientèle (téléphonie, banques, assurances, e-commerce…).

 

Qualité des critères

  • Un segment doit être dénombrable. C’est loin d’être toujours évident, surtout en ce qui concerne les sociostyles. Si l‘effectif est surévalué, il peut être catastrophique de mettre sur le marché un produit qui lui est destiné.

  • On doit savoir comment l’atteindre, notamment connaître les canaux publicitaires et les lieux de vente les mieux adaptés.

  • Un segment doit être bien identifié et homogène. C’est là qu’interviennent les statistiques.

  • Il doit aussi être durable pour que les investissements qui lui sont consacrés aient le temps d'être amortis.

Avant de voir de quelles techniques quantitatives il s’agit, attardons-nous sur les clients que l’on connaît suffisamment pour disposer de données internes exploitables. Une segmentation qui rend les mailings particulièrement efficaces est appelée méthode RFM (Récence, Fréquence, Montant). La récence implique un achat au cours de la période qui vient de se terminer (et dont la durée est à définir). La fréquence est en fait un taux de fréquence des achats. Le montant est celui des dépenses réalisées par le client. Retenons par exemple deux possibilités pour la récence, trois classes de fréquence et trois de montants : on obtient \(2 × 3 × 3 = 18\) segments.

Cette segmentation peut déboucher sur une analyse statique, qui se traduit par une note, ou sur une analyse dynamique, souvent sur quatre périodes. Ainsi, un client à qui l'on attribue une quadruple note 9.5.4.3 est un client que l’entreprise est en train de perdre (notes de plus en plus faibles).

Les éléments du marketing mix sont ensuite adaptés à ces segments : rôle du prix psychologique, choix du canal de distribution, ciblage des campagnes publicitaires, produit répondant aux attentes déclarées ou latentes, etc.

 

Statistiques

Concrètement, comment fractionner une population ?

La première technique est… l’empirisme. Un entrepreneur peut avoir une bonne idée de la composition de la population sur les critères qui lui sont pertinents. Après tout, pendant des siècles, les commerçants ont plus ou moins intuitivement procédé à des distinctions avant de cibler tel ou tel segment mais les problèmes étaient différents : il y avait un produit à vendre et l’enjeu était de savoir à qui ; aujourd’hui c’est le marché qui fait le produit (voir la démarche marketing). Toutefois, même de nos jours la plupart des petites entreprises connaissent leur marché sans avoir appris les règles du marketing.

Quand une organisation a les ressources pour le faire, elle fait appel aux statistiques.

La technique la plus simple consiste à réaliser des tableaux à deux ou trois entrées. Prenons un exemple fictif. Un réseau de salles de sport souhaite s’implanter dans un pays. Il lui faut connaître les pratiques sportives les plus populaires car l’agencement des salles doit en tenir compte. Est-ce une bonne idée de réserver un espace à un ring de boxe ? Un lieu de musculation réservé aux femmes ? Un autre lieu pour le cross training ? Etc. Le responsable du marketing se procure des statistiques sur le nombre de licences dans la capitale du pays afin de segmenter le marché pour proposer aux cibles retenues un niveau d’équipement suffisant sans être surdimensionné. Attention, l’idée n’est pas de proposer un complément d’entraînement aux licenciés mais, à travers eux, de connaître les goûts de la population.

Le tableau de contingence ci-dessous n’indique ni les tranches d’âge ni les catégories socioprofessionnelles. Ce ne sont pas des critères importants pour agencer une salle mais qui peuvent s’avérer utile pour la communication et la tarification de l’abonnement.

Sport Hommes Femmes
Boxe 560 321
Gymnastique 151 723
Haltérophilie 35 4
Athlétisme 1680 954

Quels segments peut-on individualiser ?

L’athlétisme enregistre le plus grand nombre de licences. On peut considérer qu’il s’agit d’un segment faute d’en savoir plus. En effet, les athlètes ont des exigences diverses et on ne sait pas quels appareils seraient les plus utilisés, selon que le sport pratiqué nécessite plutôt du renforcement musculaire ou du cardio, .

Si ce tableau reflète les tendances dans la population, les haltérophiles sont trop peu nombreux pour constituer un segment. Il ne sera pas rentable de leur affecter un espace spécifique avec du matériel.

En revanche la boxe semble populaire dans ce pays. C’est un segment important.

boxe

La gymnastique est surtout pratiquée par les femmes. Dans la mesure où les agrès sont différents selon le sexe, il est important de faire la distinction. L’équipe marketing considérera que le segment à prendre en compte est celui des gymnastes féminines.

Il est inutile d’aller plus loin dans cet exemple mais nous aurions pu chercher si les répartitions entre hommes et femmes sont sensiblement différentes des proportions globales. Un test d’indépendance du \(\khi^2\) est habituellement réalisé pour ce type de question, éventuellement complété d’un test du \(V\) de Cramer.

Mentionnons aussi l’ANOVA sur des critères liés à la décision d’achat qui permet de valider la pertinence des segments et leur degré de finesse.

Lorsque la segmentation porte sur une clientèle bien identifiée dont on connaît le comportement (abonnés, adhérents…), la segmentation peut suivre les contours d’une courbe 80-20 ou ABC. Les critères peuvent être un niveau de chiffre d’affaires ou de rentabilité.

Il existe d’autres méthodes, plus délicates à conduire, soit statistiques soit d’apprentissage automatique. Elles s’appuient sur des échantillons de grande taille.

En particulier, les techniques de classification (CAH, k-means) trouvent ici leur utilité dans le milieu de l’entreprise. Si l'on dispose de nombreuses informations sur le marché mais que l'on ignore quelles variables retenir, on lance une procédure de classification avec un logiciel statistique pour obtenir des segments. Ceux-ci sont un peu mystérieux et il faut analyser les individus qu’ils contiennent pour les définir d’une simple locution.

Pour terminer, précisons que les critères de segmentation ne sont pas figés et qu'ils doivent être validés régulièrement à la lumière des chiffres de ventes.

 

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