L'activité de travail

Travail, qualification et compétence

À force d’entendre parler du « coût du travail », on en viendrait presque à oublier le principal : le travail est d’abord une ressource (voir la page sur l'évaluation du travail). Certes, les salaires se traduisent en comptabilité par des charges financières mais, si l’on résume ce qu'aurait dit Jean Bodin, précurseur des économistes, « il n’est de richesse que d’hommes ».

Dans l'Antiquité mais aussi à des périodes beaucoup plus récentes dans certaines civilisations, le travail était méprisé car réservé aux esclaves et aux serfs. D'ailleurs, le terme vient du latin tripalium qui était un instrument de torture... Le premier à donner de la noblesse à l'action de travailler fut saint Benoît de Nursie (première moitié du sixième siècle). Ce n'était pas dans un dessein économique : il souhaitait que les moines s'abaissent au niveau des plus humbles. Et au cours des siècles suivants, le prestige des bénédictins se traduisit par une évolution des mentalités. Toutefois, ce n'est que depuis le dix-huitième siècle que le travail est considéré comme un facteur de production.

 

L’activité de travail dans une organisation

Dans une entreprise, le travail est un facteur de production. Il est rémunéré en contrepartie de sa création de valeur (certes, pas toujours de façon juste mais c’est un autre débat !).

Dans une collectivité publique, le travail consiste généralement à produire des services non marchands. Il est là aussi rémunéré.

Une association n’a pas pour but de dégager un bénéfice. Elle remplit une mission d’utilité sociale. Le travail au sein d’une telle organisation est soit rémunéré, soit bénévole. Un travail non rémunéré n’est certes pas un emploi mais il reste un travail !

 

L’environnement

Les conditions de travail sont un ensemble d’éléments matériels et environnementaux (locaux, température, niveau sonore...), organisationnels (rythme, horaires, organisation du travail…) et psycho-sociaux (relations de travail niveau de responsabilité…). Elles impactent le bien-être des individus, donc leur comportement et leur productivité. Voir le suivi des autres conditions de travail (rubrique du bilan social).

L’ergonomie est la science qui a pour objet l’amélioration les conditions de travail, en particulier les conditions physiques. Elle vise à adapter le poste de travail à l’individu, contrairement à l’activité de recrutement qui cherche à choisir un individu pour un poste.

De mauvaises conditions de travail sont sources de stress et de dysfonctionnements tels que défauts de qualité, absentéisme, démissions, conflits sociaux, accidents du travail et productivité insuffisante. Bref, un cauchemar. Pour l’employeur, ces dysfonctionnements entraînent des coûts cachés, c’est-à-dire des coûts ou des manques à gagner qui n’apparaissent pas dans la comptabilité comme liés aux conditions de travail mais qui le sont pourtant.

La presse se fait parfois l’écho de séries de suicides dans certaines entreprises. Au-delà des drames individuels engendrés par des situations désastreuses, les employeurs doivent avoir conscience de l’image dévastatrice que peut renvoyer durablement leur organisation dans l’opinion publique et plus notamment à leur clientèle. Sans parler des risques de condamnation judiciaire…

Au contraire, de bonnes conditions sont propices à la motivation et à la performance. Ainsi, les entreprises qui demandent une grande créativité à leurs salariés leur offrent toujours un cadre agréable (comme le font souvent les sociétés d’informatique). C’est aussi un argument pour favoriser les candidatures aux profils rares et très demandés. Toutefois, la motivation ne trouve pas sa source dans les seules conditions de travail mais surtout dans sa gratification. « Le travail sans motivation est de plus en plus ressenti comme une aliénation au système social exigeant une production accrue au bénéfice de quelques-uns et non de tous » Henri Laborit, Éloge de la fuite (Gallimard) 1976 p.104.

Le droit encadre les conditions de travail afin de protéger les salariés. Les mesures de protection concernent les trois catégories de conditions de travail. Exemples : accès aux extincteurs et issues de secours (conditions matérielles), législation sur les 35 heures ou sur les congés payés (conditions organisationnelles), prévention du harcèlement, salaire minimum (conditions psycho-sociales)…

On ne mesure pas les conditions de travail sur une échelle globale mais, en France, les indicateurs susceptibles de révéler des dysfonctionnements font l’objet d’un suivi dans le bilan social pour les entreprises qui y sont astreintes. Par ailleurs les DRH établissent des tableaux de bord sociaux pour suivre des évolutions et permettre un « pilotage » des ressources humaines, en améliorant au besoin les conditions de travail.

 

La qualification

La qualification individuelle est un ensemble de connaissances et d’expériences acquises lors d’une formation initiale ou d’une activité professionnelle. Afin d’être reconnue, une formation peut être sanctionnée par un examen (diplôme, certificat, concours…).

Ainsi, la qualification d’un individu détermine sa capacité à être recruté mais aussi la possibilité pour lui de prétendre à un certain niveau de rémunération, à une place dans l’organigramme, à une formation...

On définit aussi la qualification d’un poste de travail.  C’est la qualification de l’emploi, qui est un ensemble d’aptitudes requises.

travail

Par conséquent, une procédure de recrutement s’apparente à la recherche d’une adéquation entre deux qualifications : celle du poste et celle du candidat. Mais la qualification ne fait pas tout. Il faut aussi des compétences.

 

Les compétences

Depuis le milieu des années 80, la notion de compétence a supplanté celle de qualification. Une compétence est la traduction d’une subtile combinaison entre les connaissances, l’expérience et les qualités professionnelles. On emploie parfois l’expression un peu désuète « savoir, savoir-faire, savoir-être ».

Il s’agit de capacités que l’individu peut mobiliser face à des SITUATIONS, indépendamment des exigences techniques du poste occupé. Elles se traduisent en actions lors d’une initiative ou d’une prise de responsabilité. Illustrons-le par un extrait de Absolument dé-bor-dée ou le paradoxe du fonctionnaire de Zoé Shepard (Albin Michel 2010).

Depuis les quelque six mois que je suis dans le service, j'ai successivement bricolé des rapports bourrés de chiffres et de mots incompréhensibles très sérieux qui n'ont jamais été lus, bidouillé quelques notes, fait semblant d'écouter dans un nombre incalculable de réunions bidon et joué à plusieurs reprises les agences de voyages en organisant l'accueil de délégations étrangères.
Car lorsque de telles délégations débarquent, il faut oublier tout ce qui a été appris durant ses études et retrouver des réflexes simples : où les loger ? Que leur donner à manger ? Où les trimballer ?

Ainsi, si l'on vous demande vos compétences lors d'un entretien d'embauche, respectez l'ordre verbe \(\Rightarrow \) complément \(\Rightarrow\) contexte. Par exemple, vous savez capter un auditoire lors d'une réunion ou vous savez rédiger un rapport en situation d'urgence.

Les compétences individuelles n’existent réellement que si elles sont reconnues par les autres (hiérarchie, collègues, clients...). Elles sont évaluées à partir de critères objectifs mais aussi sur des impressions. Souvent, un supérieur hiérarchique ne peut juger ses collaborateurs que sur quelques compétences car ils ne sont pas confrontés à suffisamment de situations différentes. Nous-mêmes ne savons pas toujours comment nous réagirions si tel évènement se produisait (même si nous savons nous en persuader) !

Par ailleurs, une compétence est permanente. Un commercial qui réalise une vente extraordinaire est peut-être compétent, mais s’il ne le fait qu’une seule fois, c’est juste… un coup de chance !

Enfin, elle doit pouvoir faire l’objet d’un apprentissage. Van Gogh ou Beethoven n’étaient pas « compétents ». Le génie ne s’apprend pas.

Ceci nous amène à la double définition donnée par Guy Le Bortef : être compétent, c'est « être capable d'agir et de réussir avec pertinence dans une situation de travail » et avoir des compétences, c'est « posséder des ressources pour agir avec compétence ».

Au-delà des compétences individuelles, on reconnaît aussi l’existence de compétences collectives produites par des dynamiques de groupe. À titre d’exemple, une équipe de foot dans laquelle aucune star n’évolue peut très bien gagner un match contre une équipe plus prestigieuse, du moment que son jeu collectif est supérieur.

L’ensemble des compétences pouvant être mises en œuvre dans une entreprise constitue un capital immatériel. Notamment, lorsque son personnel en possède de particulièrement rares, l’entreprise dispose d’un avantage concurrentiel. Or, ce capital doit être géré. En d’autres termes, l’entreprise doit non seulement pouvoir mobiliser les compétences nécessaires à l’atteinte de ses objectifs, mais aussi anticiper celles dont elle aura besoin au cours des années à venir, compte tenu de l’évolution prévisible des technologies, du marché, de la concurrence, etc. Cette activité a pour nom la gestion prévisionnelle des compétences. Elle s’exerce aux deux niveaux, individuel et collectif.

 

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