Suivi et coût de l'absentéisme
France, 2014. Selon une étude de l'Institut Alma Consulting Group, les salariés s'absentent en moyenne 16,7 jours par an. Coût direct : 45 milliards d'euros.
Le constat est alarmant. Pourtant, dans les entreprises publiques ou privées, le calcul du coût, le suivi et le traitement de l’absentéisme brillent souvent par leur… absence. Et s'il est illusoire de chercher à l'éradiquer complètement, l'absentéisme comprend généralement une part compressible dont la diminution constitue un objectif particulièrement rentable.
Une première partie de cette page permettra d’en estimer le coût pour une organisation, une deuxième partie s’attachera à en établir un suivi et, finalement, quelques réflexions sur l’utilisation des méthodes statistiques dans la gestion de l’absentéisme seront apportées. Pour compléter ce qui est écrit sur le suivi, nous vous renvoyons au suivi de l'absentéisme au bilan social.
Les coûts
Ils ne sont chiffrables que partiellement dans la mesure où les effets de la non-qualité due à l’absentéisme ne sont pas toujours connus. Les coûts plus directs nécessitent quant à eux un outil informatique adéquat pour être établis.
Habituellement, le coût est estimé à partir du salaire moyen journalier ou horaire, éventuellement décomposé par niveau hiérarchique. Seules les rémunérations supportées par l’entreprise sont prises en compte sur la durée de l’absence.
On considère ainsi comme un coût ce qui est en fait une dépense inutile. Mais si l'on se limite à cet élément, on suppose que la valeur ajoutée du salarié est nulle ! Il convient donc de lui ajouter, dès lors qu’un absent n’est pas immédiatement remplacé, une contribution forfaitaire à la valeur ajoutée durant le temps de vacance. Soit \(\displaystyle{\frac{\rm{VA}_{n-1}}{\rm{eff.\;moyen}_{n-1}}}.\)
En revanche, la comparaison entre les rémunérations des titulaires absents et le coût des intérimaires ou CDD qui les remplacent nécessiterait de monter une usine à gaz un peu trop alambiquée !
Les coûts cachés incluent aussi les temps passés par la hiérarchie et la DRH (notamment le service paie) à traiter les absences. Un approximatif calcul nécessite donc d’interviewer soit tous les acteurs concernés, soit un échantillon aléatoire si l’entreprise est importante.
Par conséquent, une bonne base d'évaluation du coût total sur une période donnée consiste à additionner les coûts salariaux supportés par l’entreprise pendant l’absence, l'estimation d'une non-valeur \(\displaystyle{\frac{\rm{VA}_{n-1}}{\rm{nb\;j\;travaillés}_{n-1}}}\) et la rémunération chargée des gestionnaires sur la durée de traitement de l’absentéisme.
Si d’autres éléments sont identifiés, on ne se prive pas de les ajouter. À titre d’exemple, les défauts de qualité sur une chaîne de production imputables à une absence sont chiffrables (ainsi que le temps passé par le service qualité).
Le tableau de bord de l’absentéisme
Cette partie s’inspire de J.-Y. Le Louarn, les Tableaux de bord ressources humaines, Liaisons 2008. Cet excellent ouvrage constitue l’un des investissements les plus rentables que peut réaliser une DRH. Nous y ajouterons quelques précautions d’ordre statistique.
L’auteur milite pour un tableau de bord MENSUEL. Si l’on est conscient de l’enjeu et de la réactivité nécessaire pour traiter efficacement du problème, on ne peut qu’être d’accord sur ce point.
L’indicateur principal, tel qu’il apparaît d’ailleurs dans le bilan social, est le taux d’absentéisme :
\(\displaystyle{\frac{\rm{nb\;d'h.\;perdues\;pour\;absence}}{\rm{nb\;d'h.\;théoriques\;travaillées}}}\)
Il est habituel d’ajouter le taux d’absentéisme hors maternités afin de mieux cerner l’indicateur sur lequel on peut agir. Les congés et les grèves ne sont pas comptabilisés parmi les absences.
En pratique, le calcul de ce taux global peut constituer un casse-tête, notamment si les cadres doivent travailler un certain nombre de jours dans l’année et les non-cadres un certain nombre d’heures par semaine. On peut alors convenir d’un nombre forfaitaire d’heures hebdomadaires pour les cadres ou présenter deux taux sans chercher à les agréger.
Les autres indicateurs à suivre sont la durée moyenne des absences \(\displaystyle{\frac{\rm{heures\;perdues}}{\rm{effectif}}}\) et le taux de micro-absentéisme (jusqu’à trois jours) dont la diminution constitue l’objectif prioritaire. « En effet, ce sont des décisions volontaires prises par des employés, résultant souvent de pratiques de gestion des ressources humaines défectueuses ou d’un management humain de piètre qualité ou d’attitudes au travail négatives ou encore d’un mauvais climat de travail » (J.-Y. Le Louarn, op. cit. p. 96).
Ajoutons que si un tableau de bord mensuel doit être développé, il est indispensable de s’assurer qu’une saisonnalité ne vient pas brouiller le suivi. Lorsqu’une désaisonnalisation s’impose, on évitera d’inonder le tableau de bord de chiffres mais au moins une valeur doit en rendre compte (évolution par rapport au même mois de l'ennée \(n-1\) ou évolution CVS par rapport au mois précédent).
Le taux d’absentéisme hors maternité doit ensuite être détaillé par nature d’absence. Ce détail est soit mensuel, soit annuel selon la taille de l’entreprise, l’essentiel étant de suivre des grandeurs statistiquement significatives. Les causes sont les suivantes : maladie, maladie de longue durée, accidents du travail, de trajet et maladies professionnelles, absences autorisées, autres absences…
Lorsqu’une entreprise gère plusieurs unités de production de taille significative, il est naturel que cette décomposition apparaisse dans le tableau de bord. Les disparités régionales sont souvent significatives (selon l'Alma Consulting group, l'absentéisme était deux fois supérieur dans le sud de la France que dans le nord en 2010).
Statistiques
Les statistiques desciptives peuvent donner un éclairage sur l'absentéisme. Les indicateurs de dispersion complètent les simples calculs de moyennes...
On peut chercher à modéliser l'absentéisme par une régression multiple mais il ne faut pas oublier les facteurs socio-économiques : il est bien connu que les périodes de chômage élevé coïncident avec des taux d’absentéisme plus faibles. Un bon modèle devrait donc intégrer des variables exogènes à l'entreprise (pas facile !).
Les tests d’indépendance du khi² détectent les liaisons lorsque plusieurs modalités interviennent : tranche d’âges, région, niveau hiérarchique, jour de la semaine.
On peut aussi établir des prévisions d’absentéisme, par exemple pour budgéter les dépenses de personnel de remplacement, mais sans aller jusqu'à une modélisation. Une suggestion est alors de procéder à un lissage exponentiel double ou de Holt sur le nombre moyen d’heures d’absence par salarié et de multiplier ce montant par l’effectif prévisionnel.
Ces prévisions peuvent être probabilisées par une loi de Poisson, à moins que l’absentéisme atteigne des sommets... Au-delà d’environ \(10\%,\) on utilise plutôt la loi normale. Ceci permet de calculer le risque d’un nombre critique d’absences simultanées (selon l’hypothèse que ces absences sont indépendantes, c’est-à-dire hors épidémie !).
À titre d’exemple, une unité de production emploie 300 ouvriers et le taux moyen d’absentéisme est de \(5\%.\) Sur le site, il est quasi impossible de trouver 25 intérimaires en même temps. Quel risque y a-t-il d’enregistrer au moins 25 absences simultanément ? Le paramètre de la loi de Poisson s'établit à \(300 × 0,05 = 15.\) Ensuite, soit on additionne les valeurs trouvées sur une table de cette loi, soit on fait le calcul. Par exemple, pour Excel, =1-LOI.POISSON(24 ;15 ;VRAI) nous donne une probabilité de 0,01116, soit \(1,1\%.\)