La gouvernance d'entreprise

Pouvoir, autorité et gouvernance

Autrefois les choses étaient simples. Le patron avait toujours raison. Même s’il faisait n’importe quoi.

Aujourd’hui la notion de pouvoir a évolué. L’entreprise n’est pas encore la jungle des réseaux sociaux où tout le monde contrôle tout le monde mais des garde-fous rendent son fonctionnement plus démocratique. Et comme ses finalités ne se limitent plus à la seule rentabilité, il est logique qu’elle soit gouvernée autrement.

Intéressons-nous aux notions de pouvoir et d’autorité avant de glisser vers celle, plus actuelle, de gouvernance (nous n’aborderons pas la gouvernance pour le secteur public).

 

Pouvoir et autorité : définitions

Les concepts de pouvoir et d’autorité sont communes au management, à la science politique (voir le pouvoir politique), à la sociologie et à la philosophie. Ici, nous nous placerons surtout au niveau terre-à-terre des organisations.

Ainsi nous situons le pouvoir dans les relations sociales et non dans un sens absolu. Un humain a certes le pouvoir de briser une branche mais cet exemple n’entre pas dans notre définition.

Nous considérerons que le pouvoir est la capacité d’imposer sa volonté à quelqu’un. Pour que son détenteur puisse le conserver, il doit être considéré comme légitime (nous restons dans le domaine de l’entreprise, bien entendu !). Le pouvoir est donc indissociable de la notion d’obéissance. La contrainte est un élément du pouvoir qu’il n’est pas toujours nécessaire d’exercer.

vieux code civil

L’autorité est plus subtile. Elle n’est pas calquée sur un organigramme mais construite puisqu’elle repose sur une libre adhésion. Il faut faire ses preuves pour l’acquérir. Malgré son pouvoir, un roi fou n’en a pas. Le charisme, l’ancienneté, les compétences confèrent à leur détenteur une autorité acceptée, qui n’est d’ailleurs jamais définitive. On se soumet à l’autorité mais pas au pouvoir puisque c’est lui qui nous soumet.
Bien sûr, un manageur peut cumuler pouvoir et autorité. Celle-ci peut aider à acquérir celui-là et réciproquement, le pouvoir est un élément qui aide à légitimer l’autorité.

Attention donc à ne pas considérer l’adjectif autoritaire comme étant issu de cette définition ! En bridant les meilleures volontés, le management autoritaire est une forme d’abus de pouvoir mais certainement pas une marque d’autorité. Une personne autoritaire ne fait pas preuve d’autorité mais d’autoritarisme.

 

D’où vient le pouvoir ?

Selon le sociologue français Michel Crozier, il existe dans les organisations quatre sources de pouvoir. Elles sont énoncées dans son ouvrage de référence, écrit avec E. Friedberg, l’Acteur et le système (1977).

  • La possession d’une compétence ou d’une spécialisation. C’est le pouvoir de l’expert sur les épaules duquel reposent la résolution de problèmes impénétrables…  Encore faut-il que cette expertise soit acceptée et que l’expert soit conscient des répercussions multiples de ses actions, comme le fait remarquer P. Bernoux (la Sociologie des organisations, 1985).

  • La maîtrise des relations avec l’environnement. C’est par exemple le réseau des dirigeants ou la bonne connaissance des clients par les commerciaux.

  • La maîtrise de la communication. Contrairement à la source précédente, il s’agit surtout de communication interne. Plus un acteur reçoit d’informations (en particulier de sources différentes), plus il peut prendre des décisions éclairées. Ce pouvoir, il peut aussi le distiller aux autres. Maintenir quelqu’un dans l’ignorance, c’est comme le priver d’essuie-glaces par un temps de forte pluie. Il ralentit.

  • L’utilisation des règles organisationnelles. Connaître les codes de la culture d'entreprise, les moyens d’obtenir de l’avancement ou les subtilités pour faire accepter un budget sont quelques exemples d’une bonne maîtrise des règles, pas toujours écrites, qui confèrent un certain pouvoir.

 

Limites du pouvoir et de l’autorité

Le pouvoir dans l’entreprise connaît une crise, le dirigisme n’étant plus accepté par les nouvelles générations. La persuasion et la confiance deviennent progressivement les moyens d’exercer un pouvoir qui ne dit plus son nom.

dirigisme

En 1919, Max Weber reconnaissait trois voies pour assoir l’autorité : les voies charismatique (personnalité du leader), traditionnelle (conformité à un usage) et légale-rationnelle (contrat écrit).

Aujourd’hui, l’autorité se négocie. Elle quitte progressivement la voie légale-rationnelle, classique dans les grandes organisations. Cette évolution nous renvoie au concept de gouvernance.

 

Modes de gouvernance

La gouvernance, ou gouvernement d’entreprise, est la façon de partager les responsabilités entre les parties prenantes. Selon l’OCDE, « la gouvernance d’entreprise contribue à instaurer le climat de confiance, de transparence et de responsabilité indispensable pour promouvoir les investissements à long terme, la stabilité financière et l’intégrité dans les affaires, trois facteurs favorables à une croissance plus forte et à l’édification de sociétés plus inclusives ».

https://www.oecd.org/fr/gouvernementdentreprise

Une bonne gouvernance est caractérisée par une absence de conflit d’intérêt entre administrateurs et dirigeants, une bonne circulation de l’information, la responsabilité sociale, une évaluation du management, l’intégration des parties prenantes dans le processus de décision, le respect de l’environnement…

On distingue deux types de gouvernance.

La gouvernance actionnariale (modèle shareholders) est la plus traditionnelle. Elle est fondée sur les intérêts des actionnaires. Ceux-ci doivent recevoir toutes les informations utiles afin d’éviter les abus de pouvoir, voire certaines erreurs des dirigeants. L’objectif est surtout d’obtenir une bonne rentabilité.

Voir les instances de contrôle en page de types d’organisations.

La gouvernance partenariale (modèle stakeholders) implique toutes les parties prenantes. Outre la rentabilité, les buts sont l’implication de l’entreprise dans la société civile, la protection de l’environnement comme des consommateurs et le développement du capital humain.

Il existe de nombreux codes professionnels de gouvernance dans le monde. Certains pays en ont même plusieurs (deux en France : AFEP-MEDEF et Middlenext). Il s’agit de règles auxquelles les entreprises souscrivent. L’adhésion au code AFEP-MEDEF est presque obligatoire pour les entreprises cotées en bourse. « Presque » parce qu’elles peuvent y déroger si elles en expliquent les raisons. Toute entreprise non cotée peut adhérer librement à l’un de ces codes ou en écrire un qui lui est propre.

Sur l’élaboration d’un code de gouvernance :

https://www.phusis-partners.com/fr/un-code-de-gouvernance-pourquoi-comment

 

gouvernance vs pouvoir