La culture d'entreprise

Intérêt et limites de la culture dans une organisation

Dans un monde de plus en plus tourné vers l’individu, la notion de culture d’une organisation pourrait apparaître comme un peu désuète. Or, qu’il soit étendu à plusieurs millions de personnes ou réduit à quelques-unes, tout groupe social ayant une histoire commune possède sa culture propre, partagée par ses membres, passés et actuels. Les Schtroumpfs n’ont pas la même culture que les Saiyans.

Faisons l’impasse sur une définition stricte de la culture. Ceci nous entraînerait trop loin. Cette notion vient de l’ethnologie et les ethnologues eux-mêmes ne sont pas d’accord entre eux. Alors…

 

D’où vient la culture d’une organisation ?

Une organisation, telle une entreprise, une association ou même une famille, constitue un groupe social. À ce titre, elle produit une culture plus ou moins spécifique, garante d’une bonne cohésion, et s’appuie sur elle à l’instar de n’importe quel groupe ethnique.

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Elle est le fruit d’une histoire plus ou moins longue qui a commencé par la personnalité de ses fondateurs avant d’être façonnée par ses dirigeants successifs, divers évènements heureux ou malheureux, les salariés, les produits, les technologies utilisées, les métiers exercés, le savoir-faire, l’environnement

Celui-ci est d’abord le cadre national. Chacun sait qu’il existe des différences de mentalités et d’habitudes selon les pays et ces traits culturels ont bien sûr une forte influence sur les comportements dans l’organisation (voir ci-dessous les dimensions de Hofstede). C’est aussi le secteur d’activité : il existe une façon de penser et d’agir, de parler, de se vêtir qui lui est propre. Bien sûr, les écarts sont tolérés mais un individu qui prend trop de libertés par rapport à la norme risque d’être moins bien intégré : pour employer l’expression de J-M. Peretti, la culture est une « structure immatérielle de socialisation ».

Une entreprise multinationale, dans laquelle les métiers sont nombreux et les implantations géographiques variées, est ainsi soumise à de nombreuses influences culturelles plus ou moins prégnantes sur les salariés, selon que la culture d’entreprise est forte ou non.

 

Ce qui compose une culture d’entreprise

Certains auteurs opposent la culture au « climat », qui est ce que les acteurs de l’organisation pensent. C’est-à-dire que l’on reste dans les attitudes mais pas dans leur traduction en actions. Au contraire, la culture serait un ensemble de codes de comportement pouvant s’apparenter à des rites.

Parmi ceux-ci on peut mentionner le dress code, les fêtes, le tutoiement ou le vouvoiement, le vocabulaire... En effet, il existe souvent un jargon propre à un secteur, une propension plus ou moins forte à utiliser des termes anglo-saxons (secteur privé) ou des acronymes (secteur public)… Pour l’essentiel, l’emploi d’un lexique ne naît pas d’une volonté et son installation dans l’entreprise est assez mystérieuse. D’ailleurs toute organisation est le théâtre d’un vocabulaire propre, y compris les écoles et les collèges : d’un établissement à l’autre, les élèves n’emploient pas toujours les mêmes expressions !

Un exemple célèbre de rite se trouve chez Bouygues Construction où une institution a été formalisée : l’Ordre des compagnons du Minorange (reconnaissance d’un niveau d’excellence pour les meilleurs ouvriers).

Les évènements passés sont aussi la source de mythes, de héros et de tabous. Le mythe est un épisode ayant marqué l’histoire de l’organisation, plus ou moins enjolivé par la suite. Le héros est une personnalité marquante qui a été soit dirigeante, soit salariée (Mandelbrot chez IBM, par exemple). Le tabou est un fait douloureux qu’il vaut mieux ne pas évoquer.

Diverses valeurs se manifestent dans la culture à des degrés divers : respect de la clientèle, sens de la qualité, ouverture aux minorités, politique en faveur de l’environnement…

Pour évoluer dans une organisation, il faut donc en connaître les règles du jeu. Elles ne sont pas écrites (ou alors il faut lire entre les lignes), ce qui peut déstabiliser les nouvelles recrues. Certes, il existe parfois une charte mais elle ne peut pas inclure tous les éléments d’une culture.

 

Intérêt

Nous avons vu qu’un groupe produit une culture qui lui est propres. Réciproquement, une culture commune est nécessaire pour maintenir une certaine cohésion.

Du moment qu’un salarié y adhère, elle participe à sa motivation. La culture d’entreprise est en effet un excellent levier pour le manageur, qui a besoin de connaître le fonctionnement collectif de son ou ses équipe(s).

Elle intervient aussi dans la prévention des conflits et dans leur résolution. Les intérêts divergents qui peuvent survenir s'apaisent dès lors que l'on se réfère aux traits culturels qui cimentent le groupe. Dans une certaine mesure, ils sont un élément de prévention du stress.

Elle permet de diminuer le turnover.

Vis-à-vis de l’extérieur, elle peut représenter un élément important de l’identité de l’organisation, donc de son image et, partant, susceptible d’être un élément de communication, de performance commerciale, etc.

 

Limites

Comme toutes les personnalités ne s’adaptent pas à une culture donnée, les chargés de recrutement se montrent particulièrement vigilants. En effet, il arrive que l’adhésion à une culture pose problème à certains individus, rebutés par des valeurs ou des rites qui leurs seraient imposés alors qu’ils n’y adhèrent pas toujours (ou alors qu’ils trouvent artificiels). Revers de la médaille, une entreprise peut laisser passer des candidatures qui lui auraient été profitables et refuser l’enrichissement provenant d’une culture différente.

Certaines cultures trop fortes sont parfois un frein aux adaptations. Plus on a d’habitudes, plus il est difficile de les bousculer ! Ainsi les règles trop bureaucratiques s’avèrent inadaptées lorsque l’environnement évolue très rapidement.

L’entretien d’une culture peut se révéler coûteuse pour un bénéfice non démontré. La performance aurait-elle été moins bonne si tel stage de saut à l’élastique n’avait pas été organisé ?

Attention aussi à ne pas commettre l’erreur de croire qu’il existe une meilleure culture pour une performance maximale !

Par ailleurs, des rachats d’entreprise se sont révélés catastrophiques lorsque les cultures étaient trop différentes entre les entités fusionnées.

Enfin, la culture d’entreprise est vue par certains comme une instrumentalisation des salariés dans le sombre dessein de mieux les asservir…

Toutefois, le télétravail s'impose un peu partout. Une culture commune peut-elle se maintenir s'il n'existe plus de lieux physiques où les membres d'une même organisation se rencontrent ? Le déclin de la notion de culture d'entreprise est-il amorcé ?

 

Les dimensions culturelles selon Hofstede (1987)

Une enquête internationale a permis à Bollinger et Hofstede de lister les dimensions culturelles. Il y en aurait quatre.

  1. La distance hiérarchique : un subordonné se comporte selon le degré d’autorité qu’il attribue à son supérieur. Par exemple, la distance serait élevée dans les pays latins et faible dans les pays anglo-saxons.

  2. Le contrôle de l’incertitude : valorise-t-on la prise de risque ou l’évite-t-on ? Les pays anglo-saxons seraient moins timorés que les pays latins.

  3. L’individualisme : plus un pays est riche, plus l’individualisme serait développé. Inversement, l’esprit d’équipe serait plus fort là où le développement technologique est moindre.

  4. La masculinité : les enquêtes ont montré que les hommes ont des ambitions plutôt salariales, de promotion et de formation tandis que les femmes seraient plus réceptives aux conditions de travail. Un pays où la répartition des rôles est très différenciée, comme le Japon, montrerait un fort indice de masculinité au contraire de la France ou l’Espagne, par exemple.

Ainsi, les styles de management sont largement déterminés par la culture nationale des collaborateurs.

 

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