Distribution de Cauchy
Augustin Cauchy, mathématicien de la première moitié du dix-neuvième siècle, a laissé une œuvre considérable. Antilibéral défendant le créationnisme, entêté et souvent détesté, il n’était sans doute pas le genre de comique qu’on invite à un barbecue pour mettre de l’ambiance… En 1989, la poste lui a toutefois souhaité un joyeux deux-centième anniversaire :
Aujourd’hui, son nom est associé à deux lois : l’une en optique (mais la physique n’est pas du tout l’objet de ce site), l’autre en probabilités (qui est présentée sur cette page). Cette dernière est parfois nommée « loi de Lorenz ».
Présentation
La loi de Cauchy constitue plus un cas d’école qu’un outil de travail, du moins dans le cadre des problématiques économiques. Nous la présentons donc pour mémoire, sans aucun exemple.
Que faire en effet d’une loi de probabilité n’ayant ni espérance ni variance ? La loi des grands nombres ne peut lui être appliquée et le théorème central-limite pas davantage…
Sa fonction de densité se présente ainsi :
\(f(x) = \displaystyle{\frac{a}{\pi [a^2 + (x - x_0)^2]}}\)
\(x_0\) est un paramètre de position et \(a\) est un paramètre d’échelle, c’est-à-dire d’étalement. D’ailleurs, \(x_0\) est aussi bien le mode que la médiane. On peut donc en déduire une expression centrée et réduite (par la médiane et par l’étalement puisque ni l’espérance ni l’écart-type n’existent) :
\(f(x) = \displaystyle{\frac{1}{\pi (1 + x^2)}}\)
Son intégrale diverge. C’est pourquoi les moments de cette loi sont infinis. On le devine d’ailleurs en observant la courbe représentative de la fonction de densité, particulièrement aplatie si on la représente sur la même échelle que la loi normale. Ce n’est pas le cas dans l'illustration de la version centrée et réduite ci-dessous puisque l’intervalle observé est \([-15\,; 15]\) (réalisation SLGallery) :
À l’infini, la fonction de densité est équivalente à la valeur absolue de la fonction inverse.
La fonction de répartition est une composée de la fonction arc-tangente : \(F(x)\) \(=\) \(\frac{1}{\pi} \tan^{-1} \left(\frac{x - x_0}{a} \right) + \frac{1}{2}\)
Comme vous l’avez deviné, la version centrée et réduite est \(F(x)\) \(=\) \(\frac{1}{\pi} \tan^{-1} x + \frac{1}{2}.\)
Illustration :
Si vous connaissez les différentes lois de probabilité, vous savez sans doute qu’il s’agit d’une grande famille où règne la consanguinité. Ainsi, le rapport de deux variables aléatoires (v.a) qui suivent deux lois normales centrées, de même écart-type et indépendantes l'une de l'autre suit une loi de Cauchy (et du coup, l’inverse d’une v.a distribuée selon cette loi suit aussi une loi de Cauchy, évidemment).
Par ailleurs, cette loi est aussi celle de la loi de Student à un seul degré de liberté.
Une démonstration
Ce qui suit n’a pas de valeur opérationnelle. C'est une illustration de divergence d’une intégrale généralisée. En l’occurrence, il s’agit de montrer pourquoi cette pauvre loi de Cauchy est sans espérance.
Rappelons que si une variable aléatoire \(X\) suit une loi de probabilité continue dont la fonction de densité de probabilité est \(f,\) son espérance est :
\(E(X) = \displaystyle{\int_{-\infty}^{+ \infty} {xf(x)dx}}\)
Par conséquent, pour la fonction qui nous préoccupe :
\(\displaystyle{\int_{-\infty}^{+ \infty} {xf(x)dx}}\) \(=\) \(\displaystyle{\frac{1}{\pi} \int_{-\infty}^{+ \infty} \frac{x}{1 + x^2}dx}\)
Montrons que cette intégrale diverge entre 0 et l’infini.
\(\displaystyle{\int_{-\infty}^{+ \infty} \frac{x}{1 + x^2}dx}\) \(=\) \(\displaystyle{\frac{1}{2} [\ln (1 + x^2)]_0^a}\)
Or, \(\mathop {\lim }\limits_{a \to + \infty } \ln (1 +a^2) = + \infty\)
Il s’ensuit que l’intégrale diverge bien entre 0 et l’infini, donc a fortiori entre moins et plus l’infini et ce n’est pas une malheureuse division par \(π\) qui y changera quelque chose. \(E(X)\) n’existe pas.