La marge commerciale

Marge et taux de marque

Chacun connaît la notion de marge (gross trading profit) : on revend ce qu’on a acheté, mais plus cher. C’est le principe du commerce. Le solde est une marge qui rétribue les services apportés par le négociant (voir la distribution). En revanche, si c’est un fabricant qui transforme des matières premières en produits, il est moins pertinent de calculer une marge et aucun solde intermédiaire de gestion du plan comptable n’est son équivalent (la Centrale des bilans de la Banque de France retenait tout de même une « marge sur production propre »).

Il s’agit donc d’une marge COMMERCIALE, différente des notions de marge sur coûts variables, de marge d’exploitation ou de marge bénéficiaire. Elle est la mesure essentielle d’une activité de négoce, se trouvant ainsi au carrefour des différentes directions d’une entreprise commerciale.

 

Calcul

La marge commerciale se présente comme un solde entre d’une part la vente des marchandises et une augmentation de leur stock et d’autre part entre le coût d’achat de ces marchandises, une diminution de leur stock ainsi que les frais accessoires sur achats (compte 608) au cas où ceux-ci ne seraient pas déjà comptabilisés avec les achats. Ces montants s’entendent hors taxes et les achats sont nets des rabais, remises et ristournes obtenus (RRR).

La prise en compte de la variation des stocks indique que le choix de leur valeur de sortie, généralement un coût moyen pondéré, impacte le montant de la marge commerciale.

Une fois que la valorisation d’articles vendus sur une période donnée est mise en regard de leur coût d’achat, éventuellement supporté lors d’un exercice antérieur, il est possible de déterminer si la variation du niveau global de marge est la traduction d’une évolution des quantités vendues ou de la marge unitaire.

Exemple. Mme Gestor achète des exercices de gestion à un grossiste puis les revend au détail à des étudiants (dont l’appétence pour ce type de marchandise ne s’est jamais démentie). Montant des achats : 50 unités monétaires HT. Le stock était valorisé à 30 en début de période et à 20 en fin de période. Le montant des ventes s’établit à 100 u. m. Quelle est la marge ? Facile... En tenant compte d’un déstockage de 10, il a fallu 60 de marchandises achetées pour réaliser 100 de chiffre d’affaires. La marge est donc de 40.

exercices

Lorsqu'une marge est nulle, on parle de vente à prix coûtant.

 

Ratios

Les ratios sont les outils de base de l’analyse financière. Ils intéressent aussi les économistes dans le cadre de comparaisons intersectorielles ou internationales. Certains peuvent être établis au sein d’une même entreprise pour chaque article et ils deviennent un outil interne fondamental de pilotage.

C’est le cas pour les ratios qui mesurent la capacité à dégager une marge commerciale. Ils font partie du quotidien des gestionnaires et des commerciaux. Le problème, c’est qu’il en existe deux et qu’une ambiguïté sur leur définition peut rendre leur communication malaisée.

Stricto sensu, le taux de marge est le suivant :

\[\frac{\rm{{Marge\;commerciale}}}{\rm{{Coût\;d'achat\;HT}}}\]

La compréhension est parfaitement intuitive. C’est d’ailleurs la définition que donneraient la plupart des personnes si on les interrogeait là-dessus et il peut servir à établir un prix de vente. Pourtant, sans être inintéressant, ce taux n’est pas le plus suivi par les professionnels, au contraire du taux de marque qui est unanimement utilisé :

\[\frac{\rm{{Marge\;commerciale}}}{\rm{{Chiffre\;d'affaire\;HT}}}\]

Seulement voilà, en pratique le taux de marque est très souvent nommé « taux de marge » ! Les quiproquos qui s’ensuivent pouvant être source de faillite (rien de moins), il est toujours bon de préciser la définition sur les documents qui présentent des « taux de marge » (en particulier lors des études comparatives) ! Comment une notion aussi essentielle peut-elle rester dans un tel flou ? Mystère.

Exemple. M. Miaou achète à un grossiste des entrecôtes de souris pour la somme de 10 unités monétaires (HT) et les revend 14 u. m. (HT). La marge commerciale est donc de 4. Le taux de marge au sens strict s’élève à \(40\%.\) Le ratio le plus suivi est toutefois le taux de marque qui s’établit à \(\frac{4}{14} = 28,57\%.\) Note : la locution « faire la culbute », rarement employée dans les ouvrages sérieux, indique donc un taux de marge de \(100\%\) ou, ce qui revient au même, un taux de marque de \(50\%\) (mais cette expression aussi est ambiguë puisqu’elle signifie également « être ruiné »)…

Un taux de marque élevé par rapport au secteur indique que les acheteurs de l’entreprise possèdent un bon pouvoir de négociation (et qu’ils pourront négocier pour eux-mêmes de belles augmentations de salaires !). Cela étant, même dans un secteur d’activité particulier, il existe généralement des articles haut de gamme qui permettent un taux de marque plus élevé que les entrées de gamme

Pourquoi une définition est-elle plus utilisée que l’autre ? Contrairement au taux de marge qui n’est qu’un coefficient multiplicateur, le taux de marque est un ratio de profitabilité qui mesure la capacité à dégager un résultat en fonction d’une activité. Il ne peut pas être supérieur à \(100\%.\) Ainsi bornées, les comparaisons sont moins fantaisistes.

 

La marge arrière

La marge arrière est une rétro-commission souvent annuelle versée par un fournisseur à un distributeur qui, en retour, fait bénéficier ses articles d’opérations commerciales. Logiquement, les montants ne figurent pas sur les factures et, contrairement aux RRR, ils n’ont pas à impacter le calcul de la marge commerciale.

Mais le mécanisme a été largement dévoyé par la grande distribution, du moins en France, afin de contourner l’interdiction de vente à perte (entre autres). La marge arrière était devenue la simple conséquence d’un rapport de force, surtout dans l’agro-alimentaire. Retour de bâton, les distributeurs devaient en toute logique gérer deux marges, l’une publiée qui ne voulait pas dire grand-chose et l’autre, utile en gestion interne, qui ne permettait pas un pilotage réactif puisque connue seulement a posteriori, en fin d’année.

Le législateur a souhaité mettre fin à cette pratique très décriée. Les chiffres sont à présent plus significatifs dès lors que les « autres avantages financiers » (dénomination officielle) rémunèrent un réel service indiqué dans les conditions générales de vente, mais c’est la comparaison dans le temps qui devient hasardeuse. Cela dit, pas de naïveté excessive…

Par opposition à la marge arrière, l’expression de marge avant remplace celle de « marge commerciale » ou de « marge » tout court dans la grande distribution (magie du vocabulaire qui permet de déceler qui pratique la marge arrière…).

 

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