La domination par les coûts

Stratégie de volume

Pour une entreprise, la stratégie de domination par les coûts est une décision stratégique qui engage pour toujours. Il est en effet très difficile de revenir dessus !

 

Le principe

Cette stratégie consiste à réduire les coûts de revient de façon à baisser les prix de vente.

On l’appelle aussi stratégie de volume (ou de masse) car si la marge unitaire est faible, il faut que l’entreprise compense ce « handicap » par une forte quantité de produits vendus pour obtenir une belle marge globale. Naturellement, si les prix de vente sont faibles, les volumes répondent présent… Le but est de capter davantage de clients pour procurer un avantage concurrentiel.

Vous l’avez compris, le secteur du luxe n’est pas concerné.

Bien sûr, une entreprise qui réduit ses coûts au maximum peut vendre au même prix que ses concurrents et en faire profiter ses actionnaires plutôt que ses clients (nous considérons que, par définition, les salariés ne bénéficient pas de la domination par les coûts). Mais ce choix est risqué dans la mesure où les faibles marges unitaires ne sont pas compensées par de fortes quantités vendues.

 

Les moyens

Nous retiendrons trois moyens de faire baisser les coûts unitaires.

Les volumes : l’importance des volumes n’est pas qu’une conséquence des prix bas. C’est aussi un moyen de réaliser des économies d’échelle et ceci à plusieurs niveaux. D’abord, le coût d’achat peut être réduit car si l’entreprise achète de grosses quantités à ses fournisseurs, elle peut négocier des prix plus bas. Ensuite, la production en forts volumes permet d’amortir plus rapidement les coûts fixes. Par exemple, une chaîne qui ne produit qu’un seul article ne s’arrête pas pour que divers réglages permettent la fabrication d’un autre. Enfin, la distribution est plus simple : tant pour la manutention que pour les aspects de gestion et comptable, il est moins coûteux de charger un camion avec un seul article qu’avec de nombreuses références.

stocks

L’effet d’expérience : décrit pour la première fois en 1966, cet effet stipule que le coût unitaire d’un produit décroît d’un pourcentage constant chaque fois que la production double. Il peut être représenté graphiquement par une courbe d’expérience. Cet effet est dû à une meilleure connaissance des processus de production. Bien sûr, il peut être réduit à néant si ces améliorations sont connues de la concurrence. Un enjeu important, pour conserver un effet d’expérience, est donc d’éviter le turnover pour que les salariés n’aillent pas raconter leurs petits secrets ailleurs…

Exemple de courbe d’expérience, où un coût unitaire baisse de \(10\%\) chaque fois que la production double :

courbe d'expérience

La rationalisation de l’organisation interne : c’est la chasse aux coûts. Des audits et un contrôle de gestion très pointu mettent le doigt sur toutes les formes de gaspillage. Cette rationalisation peut conduire à des plans sociaux, des réorganisations ou tout simplement à de bonnes idées pour faire des économies. Par exemple, Playmobil sort régulièrement de nouveaux produits mais conserve ses moules et sait les réemployer. Ainsi, des accessoires qui paraissent nouveaux ont la même forme que d’autres qui ont été produit il y a longtemps mais avec un relooking.

Historiquement, le taylorisme a été un système de production visant à diminuer les coûts.

 

Les risques

Les trois moyens cités ci-dessus présentent aussi quelques risques.

Les volumes : une forte production nécessite des investissements importants. Si une taille critique n’est pas atteinte, l’entreprise peut ne pas faire face aux remboursements d’emprunts.

L’effet d’expérience : nous avons vu qu’il est fragile car il peut être copié. Mais surtout, il peut devenir rapidement obsolète en raison des progrès technologiques.

La rationalisation : trop brutale, elle conduit à des mouvements sociaux.

Autres écueils :

  • L’image de marque de l’entreprise est peu glorieuse, ce qui peut lui porter préjudice. Un jeune diplômé préfère entrer chez L’Oréal plutôt que chez Aldi…

  • Les concurrents peuvent aussi se positionner sur une domination par les coûts. D’où une guerre des prix difficile à tenir sur le long terme (car obligation de rogner les marges).

  • Un prix trop faible, inférieur au prix psychologique, peut rebuter les consommateurs.

L'exemple qui suit illustre la domination par les coûts mais relève aussi d’une stratégie de différenciation (ces deux stratégies ne s'opposent pas systématiquement).

 

L’exemple de Lidl

La grande distribution est un secteur où la domination par les coûts est très recherchée !

Lidl est né à Heilbronn, dans le sud de l’Allemagne. En 1977, Dieter Schwarz prend la succession de son père. Sa stratégie de domination par les coûts lui vaudra de devenir l’une des plus grosses fortunes mondiales.

Au début, les coûts étaient réduits au minimum. En magasin, les produits étaient directement posés sur des palettes. En 1989, le premier point de vente est créé en France, à Sarreguemines. Puis l'entreprise s'étend à toute l'Europe.

Pendant une vingtaine d’années, le hard discount fera partie du paysage français. Mais au début des années 2010, les consommateurs se lassent du concept. Les grandes surfaces traditionnelles ont répliqué avec des marques distributeurs à prix très bas qui s'ajoutent à leurs marques déjà existantes.

La réplique de Lidl est une montée en gamme qui respecte malgré tout sa spécificité : assez peu de références, de nombreux produits de ses propres marques (SilverCrest, Vitasia...) et des prix toujours bas. Des magasins sont fermés.

Remarquez que le fait de proposer relativement peu de références fait bénéficier à Lidl de l’effet volume.

Par ailleurs, l’image de l’entreprise change : magasins plus aérés, présence au salon de l’Agriculture, produits du terroir, qualité des produits manufacturés…

 

domination par les coûts