La marque

Noms, fonctions et gestion des marques

Qu’est-ce qu’une marque et à quoi sert-elle ?  Comment la nommer ? Et ensuite, comment l’entreprise va-t-elle la gérer ? Tâchons de répondre à ces questions et à quelques autres…

 

Évolution

À l’origine, on marquait le bétail au fer rouge pour le distinguer de celui du voisin. Certes, la pratique existe encore ici ou là mais la notion de marque s’est étendue aux activités artisanales (marques de tâcheron sur les pierres de taille dès la douzième siècle) puis aux domaines les plus divers.

C’est en même temps que l’explosion de la consommation de masse et du marketing, c’est-à-dire dans la première moitié du vingtième siècle aux États-Unis et après la seconde guerre mondiale en France, qu’une profusion de marques a submergé les rayons.

 

Définition et fonctions

La marque est un ensemble de signes distinctifs qui différencient des produits de leurs concurrents : nom, logo, jingle, combinaison de plusieurs éléments…

Il faut la distinguer de la gamme, qui est une « famille structurée de produit vendue sous la même marque » (Lendrevie, Lévy & Lindon, Mercator, Dalloz, 2003).

Selon le type de produit, les marques n’ont pas la même valeur pour le client. Par exemple, on est plus fidèle aux marques de café que de piles. Mais fidélité ne signifie pas sensibilité. On peut être sensible à une marque (vêtement de luxe par exemple) tout en ne lui étant pas attaché ou au contraire être fidèle par désintérêt des différences entre produits. L’aversion au risque explique souvent cette fidélité (Cf. la théorie du risque perçu).

La notoriété est recherchée d’une part pour entretenir la fidélité, d’autre part pour attirer de nouveaux clients. De plus, le cycle de vie des marques est beaucoup plus long que celui des produits. Le grand public se souvient de certaines d’entre elles plusieurs décennies après leur disparition. Elles peuvent même ressusciter (Lip, Bugatti…).

Certaines marques valorisent le client. Elles confèrent un statut social, réel ou imaginaire, par leur histoire ou leur communication.

Enfin, la confiance est un autre lien qui existe entre le consommateur et la marque. Tous ces facteurs (sensibilité, attachement, notoriété, image de marque et confiance) s’acquièrent avec le temps quoique l'économie numérique nous montre quelques réussites rapides.

Pour ces raisons, la marque représente pour son propriétaire un capital immatériel dont la valeur se consolide avec le temps. En effet, elle remplit une fonction de référence, de repère, entretenue par la publicité. Elle acquiert ainsi une valeur qui lui est propre. Une entreprise peut vendre très cher un nom de marque sans céder le moindre matériel de fabrication.

 

Noms de marques

Le nom d’une marque peut être celui d’un lieu (Cristal d’Arques, Loué, Évian…), d’un patronyme (Renault, Dior, Leclerc…) ou un nom inventé.

Exemple : en 1896, Armand Peugeot crée la Société anonyme des automobiles Peugeot. Ses neveux fondent une fabrique de cycles, les Fils de Peugeot frères qui produit sa première voiture en 1906. En 1910, les deux entreprises fusionnent et deviennent la Société anonyme des automobiles et cycles Peugeot. Ci-dessous, modèle de 1907.

modèle réduit

Contrairement au produit, la marque est toujours unique. Des protections juridiques existent et il n’est pas possible de la nommer comme on le souhaite. Au même titre qu’un brevet, elle est un élément immatériel de propriété et son nom peut être déposé à l’INPI (Institut National de la Propriété Industrielle). Pour cela, elle doit remplir quatre conditions :

  • La distinctivité : on ne doit pas donner de nom générique (une marque de voiture ne peut pas s’appeler « Voiture » !) sauf si ce nom n’a pas de lien direct avec les produits (aucun risque à nommer des cafés « Grand-mère »).

  • La licéité : pas de nom contraire à l’ordre public, c’est-à-dire offensant ou utilisant des emblèmes d’États.

  • L'absence de déceptivité : le client ne doit pas être trompé sur la qualité, la nature, l’origine du produit ou faire croire qu’il a un caractère officiel (et les hôtels Première classe ? Disons qu’on compte les classes à partir du bas…).

  • La disponibilité : elle ne doit pas déjà exister, sauf si les produits n’ont aucun rapport. Les voitures sportives de luxe Lotus ont peu de chances d’être assimilées au papier toilette.

 

Signalétique

La marque s’accompagne d’un design qui comprend notamment une partie du packaging.

 

Qualités d’une marque

À l’instar du produit, une marque obéit à certaines règles de positionnement.

Elle doit être lisible et facilement prononçable dans tous les pays où elle est commercialisée (éventuellement dans la langue du pays lorsqu’il s’agit de sigles : HP, GMC, TI…). Elle doit aussi être disponible et distinctive, bien que certains produits me-too essaient de se rapprocher du nom d’un produit emblématique (par exemple, la Vache sérieuse perdit son procès en 1959 contre la Vache qui rit, la contrefaçon étant trop évidente !).

Son nom peut être évocateur pour faciliter le positionnement du produit (Apéricube, Émail diamant…) ou son appartenance à une même entreprise, par exemple avec un préfixe commun. Ainsi on identifie facilement Danette et Danonino comme étant des produits Danone.

Il est important que le nom se retienne facilement pour faciliter sa notoriété.

 

Politique de marques

Une entreprise peut décider de ne gérer qu’une seule marque, dite marque ombrelle. Cette solution est la plus économique et la notoriété acquise dans un domaine peut profiter à un autre. Elle est aussi plus simple à gérer, en particulier à l’international. Exemple : Bic (stylos, rasoirs et briquets). Ce choix peut s’avérer risqué puisqu’un problème d’image sur une marque affecte toute l’entreprise. Les sociétés japonaises et coréennes privilégient souvent cette option. Ainsi Mitsubishi commercialise sous son nom des voitures, des climatiseurs, des pianos, etc.

Généralement, une entreprise regroupe sous une même marque une ligne de produits ayant des caractéristiques communes. Ceci lui permet de mieux pénétrer tous les segments. En France, Carrefour gère depuis 1996 la marque Reflets de France qui comprend plusieurs centaines de produits. Par exemple, la gamme des miels comporte une douzaine de références : miel de Châtaignier du Dauphiné, de Bourgogne, de lavande de Provence… Une marque peut aussi se confondre avec un seul produit.

Une solution mixte existe : la double marque. Une marque fille, qui est celle d’un produit, est rattachée à une marque mère de forte notoriété. Exemple : Gillette Venus, GilletteLabs, Gillette Pro…

Distinguons aussi la marque globale (même nom et mêmes éléments de marketing dans tous les pays, à l’exemple de Mc Donald’s) de la marque locale, c’est-à-dire propre à un pays, voire à une région.

 

Cycle de vie

Christian Michon distingue quatre périodes de développement de la marque (le Marketeur, Pearson, 2006) :

  • La période fondatrice au cours de laquelle le succès d’un produit innovant et la communication qui lui est associée rejaillissent sur la marque, qui dès lors s’imprime dans le cerveau des consommateurs.

  • La période de découplage qui voit la marque se détacher du produit. Elle existe désormais en tant que telle et la gamme peut être étendue.

  • La période d’enracinement est celle de son appropriation par les consommateurs.

  • La période d’essaimage est celle où la notoriété confère à la marque une valeur financière et commerciale. Son nom peut rejaillir sur d’autres produits, parfois très différents. C’est tout l’art du marketing de savoir la faire évoluer ainsi alors qu’elle aurait pu rester enfermée dans son produit d’origine.

Voici une histoire qui finit bien ! On le constate, ces phases sont très différentes de la courbe de vie du produit (qui finit mal).

 

marque de somnifère