Élimination de Gauss-Jordan
Bien que ce site soit plutôt orienté sur l’aspect pratique des techniques quantitatives, nous décrivons ici une méthode manuelle de résolution des systèmes d'équations. Il est peu probable que vous ayez à l’utiliser en entreprise, divers logiciels s’en chargeant volontiers.
Nous exposerons d’abord la technique puis nous donnerons deux types d’exemples d’utilisation : la recherche du rang d’un sous-espace vectoriel et la résolution d’un système d’équations.
Précisons que, si cette technique est habituellement associée au nom de Gauss, elle était déjà décrite par Liu Hui à une époque où les divisions étaient particulièrement en vogue (Dioclétien divisait l'empire romain en deux, les Goths se divisaient en Ostrogoths et Wisigoths, etc.). Aucun rapport ? Certes...
La technique
Les propriétés utilisées sont celles des combinaisons linéaires.
L'ordre dans lequel on traite les vecteurs ou l'emplacement d'une équation dans un système n'a pas d'importance (c'est assez évident !) et, si l'on multiplie tous les termes à gauche et à droite d’une équation, cette dernière reste parfaitement valable. Là aussi, il va de soi que \(2x + 2y = 2\) revient à poser \(x + y = 1.\)
Si l'on multiplie les coordonnées d'un vecteur par un même scalaire, on obtient un vecteur qui lui est colinéaire. Enfin, on peut additionner ou soustraire des équations ou des vecteurs entre eux (loi de composition interne). Vecteurs et systèmes, même combat.
Bref, grâce à ces propriétés, il est possible d’isoler un \(x\) dans une équation (ou un vecteur de \(\mathbb{R}^n\), un \(x\) et un \(y\) dans une autre et ainsi de suite. On obtient un système d’équations équivalent avec un triangle de « blancs » ou une famille de vecteurs avec un triangle de zéros. Qu’importe la place de ce triangle (il se trouve en haut à droite dans l’exemple ci-dessous).
Reste à résoudre le système en commençant par la ligne la plus simple où ne figure que le \(x,\) de remplacer \(x\) dans la deuxième ligne pour trouver \(y,\) etc.
Méthode du pivot de Gauss pour les vecteurs
Détaillons sans plus attendre un exemple dans \(\mathbb{R}^4\) où l’on considère une famille de quatre vecteurs (\(u_1\) à \(u_4\)). L'opération étant très calculatoire, on peut s'aider d'un tableur.
\(\begin{array}{*{20}{c}}
{{u_1}}&{{u_2}}&{{u_3}}&{{u_4}}\\
1&2&1&5\\
3&4&1&4\\
4&3&2&3\\
1&4&5&2
\end{array}\)
Il est facile de faire apparaître un zéro sur la première ligne en soustrayant \(u_1\) de \(u_3\) (ou l'inverse). Soit \(u_4' = u_3 - u_1.\)
\(\begin{array}{*{20}{c}}
{{u_1}}&{{u_2}}&{{u_4}}&{{u_4'}}\\
1&2&5&0\\
3&4&4&-2\\
4&3&3&-2\\
1&4&2&4\end{array}\)
Faisons apparaître deux autres 1 sur la première ligne. Il sera ensuite facile d'obtenir trois zéros. Pour cela, il suffit de diviser \(u_2\) par 2 et \(u_4\) par 5.
\(\begin{array}{*{20}{c}}
{{u_1}}&{{u_2'}}&{{u_3'}}&{{u_4'}}\\
1&1&1&0\\
3&2&0,8&-2\\
4&1,5&0,6&-2\\
1&2&0,4&4\end{array}\)
Soit \(u_2'' = u_1 - u_2'\) et \(u_3'' = u_1 - u_3'.\)
\(\begin{array}{*{20}{c}}
{{u_1}}&{{u_2''}}&{{u_3''}}&{{u_4'}}\\
1&0&0&0\\
3&1&2,2&-2\\
4&2,5&3,4&-2\\
1&-1&0,6&4\end{array}\)
Attaquons-nous à la deuxième ligne qui doit se terminer par deux zéros. Soit \(u_4' = u_4 + 2u_2''\) et soit \(u_3''' = u_3'' - 2,2u_2''.\)
\(\begin{array}{*{20}{c}}
{{u_1}}&{{u_2''}}&{{u_3'''}}&{{u_4''}}\\
1&0&0&0\\
3&1&0&0\\
4&2,5&-2,1&3\\
1&-1&2,8&2\end{array}\)
Reste à obrenir un zéro en troisième ligne dernière colonne. Pour cela, \(u_4''' = u_4'' + \frac{3}{2,1} \times u_3'''.\)
\(\begin{array}{*{20}{c}}
{{u_1}}&{{u_2''}}&{{u_3'''}}&{{u_4'''}}\\
1&0&0&0\\
3&1&0&0\\
4&2,5&-2,1&0\\
1&-1&2,8&6\end{array}\)
En s’amusant avec les combinaisons linéaires, nous sommes arrivé à « échelonner » notre famille de vecteurs. Notez bien qu’il existe d’innombrables façons d’arriver soit au même résultat, soit à un résultat équivalent. On constate que les quatre vecteurs sont indépendants. Le rang est donc égal à 4.
Résolution de systèmes linéaires
Même principe pour résoudre les systèmes. On obtient un système triangulaire en utilisant des systèmes équivalents méthodiquement choisis. À partir de trois inconnues, la technique est tout de même moins laborieuse que celles de la substitution et de la combinaison (voir les exemples de systèmes d'équations).
\(\left\{ {\begin{array}{*{20}{c}} {x + y + 2z = 1 \quad \text{(a)}}\\ {3x + y + z = -2 \quad \text{(b)}}\\ { - x - 2y - 5z = - 1 \quad \text{(c)}} \end{array}} \right.\)
\( \Leftrightarrow \left\{ {\begin{array}{*{20}{c}} { - y - 3z = 0 \quad \text{(a' = a + c)}}\\ {-5y - 14z = -5 \quad \text{(b' = b + 3c)}}\\ { - x - 2y - 5z = - 1 \quad \text{(c)}} \end{array}} \right.\)
\( \Leftrightarrow \left\{ {\begin{array}{*{20}{c}} { z = -5 \quad \text{(a'' = b' + 5a')}}\\ {-5y - 14z = -5 \quad \text{(b')}}\\ { - x - 2y - 5z = - 1 \quad \text{(c)}} \end{array}} \right.\)
\( \Leftrightarrow \left\{ {\begin{array}{*{20}{c}} {z = -5}\\ {-5y +70 = -5}\\ {-x -2y +25 = -1} \end{array}} \right.\)
\( \Leftrightarrow \left\{ {\begin{array}{*{20}{c}} {z = -5}\\ {y = 15}\\ {x = -4} \end{array}} \right.\)
La méthode peut bien sûr être employée dans le cadre de systèmes avec paramètres.
Note : une simple calculatrice telle que celles autorisées au bac permet de résoudre un système d'équations en utilisant les matrices (voir la résolution de systèmes avec les matrices) ou le solveur.
Voir aussi la méthode de Cramer qui permet de résoudre des systèmes d'équations à l'aide de déterminants. Cette dernière est toutefois plus longue (c'est pourquoi les programmes informatiques utilisent le pivot de Gauss).