Les matrices

Introduction aux matrices et exemple

Les matrices sont un outil mathématique puissant et utilisé dans de nombreuses applications concrètes. Découvertes au dix-neuvième siècle, elles ont connu un essor fulgurant dans les années 1920, lors de l'avènement de la mécanique quantique. Elles sont abordées en terminale générale maths expertes mais la présentation qui suit est plus adaptée aux étudiants.

Qu’est-ce ? Pour reprendre Jean de Lagarde, ce « n’est finalement rien d’autre qu’un tableau de chiffres et (…) le calcul matriciel est l’art de manipuler ces tableaux » (in Initiation à l’analyse des données, Dunod 1995). Voir la traduction matricielle.

À l'ère du big data, les tableaux ne sont pas seulement des matériaux de recherche omniprésents ; ils prennent aussi des apparences qui ne les lient pas de prime abord à des matrices. Par exemple, un graphe ou un système d’équations à plusieurs inconnues peuvent être présentés sous forme de tableaux.

 

Définitions

\(m\) et \(n\) sont deux entiers naturels non nuls.

Une matrice réelle à \(m\) lignes et \(n\) colonnes est un tableau à \(m\) lignes et \(n\) colonnes de nombres réels (les coefficients de la matrice). On dit qu'elle est d'ordre (m,n) ou de dimensions \(m \times n\) (ne calculez pas le produit !).

Une matrice-ligne ou vecteur-ligne ne comporte qu'une ligne. Elle est d'ordre \((1,n).\)

Une matrice-colonne ou vecteur-colonne ne comporte qu'une colonne. Elle est d'ordre \((m,1).\)

Si \(m = n\), il s'agit d'une matrice carrée d'ordre \(n\).

Une matrice carrée constituée de zéros sauf sur la diagonale (haut-gauche à bas-droite) est dite diagonale. Si ladite diagonale n’est composée que de 1, on l’appelle matrice identité ou unité et on la nomme souvent \(I.\) Elle est indispensable pour de nombreuses opérations.

Une matrice qui ne peut admettre que des 0 et des 1 est une matrice booléenne (bien sûr dans l'algèbre de Boole mais aussi dans l'algèbre usuelle où des opérations sur matrices booléennes peuvent conduire à obtenir des matrices qui n'en sont pas).

Lorsqu’une matrice n’a que des zéros au-dessus ou au-dessous de sa diagonale, on parle de matrice triangulaire (inférieure ou supérieure).

Une sous-matrice est une matrice extraite d’une autre, comme si l’on ne retenait qu’une zone rectangulaire d’un tableau plus vaste.

 

Vecteurs

De fait, il existe plusieurs portes d’entrée au calcul matriciel. Dans un cours de maths du supérieur, les matrices sont présentées comme des outils d’application linéaire. Ce n’est pas l’approche la plus intuitive. Aussi, après une très brève introduction théorique prendrons-nous un sujet d'examen assez concret pour rendre plus digeste cette présentation.

Soit l’application d’un espace vectoriel \(E\) sur un autre (ou dans lui-même).

Ces deux espaces ont bien sûr chacun leur base. Tout vecteur de \(E,\) de dimension \(n,\) s’écrit sous la forme \(a_1e_1 + a_2e_2 + ...+ a_ne_n.\) Dans l’ensemble d’arrivée, qui n’a pas obligatoirement la même dimension (admettons que ce soit \(m\)), ce vecteur de \(E\) a pour image un autre vecteur par l'application \(f.\) Comme \(f\) est linéaire, ce vecteur image est unique. L’ensemble des scalaires qui permettent de passer d’une base à l’autre s’appelle une matrice. C’est une sorte de tableau présenté entre parenthèses, toujours dénommé d’une lettre majuscule, de \(n\) colonnes et de m lignes. On dit qu'elle est de format \((m,n).\)

\[M = \left( {\begin{array}{*{20}{c}} {{a_{11}}}&{...}&{{a_{1n}}}\\ \vdots & \ddots & \vdots \\ {{a_{m1}}}&{...}&{{a_{mn}}} \end{array}} \right)\]

Pour résumer, c’est Jean-Pierre Escofier que nous citerons cette fois-ci : « on met en colonnes les images des vecteurs de la base de départ repérés dans la base d’arrivée » (voir toute l’Algèbre de la licence, Dunod 2006 p. 134).

Un exemple simple s’impose d’urgence. Il est issu de l’épreuve 10 du DECS de 1987.

 

Exemple

    Une entreprise fabrique trois produits : A, B et C à partir de trois facteurs de production : U, V, W.

usine

À ce moment de l’énoncé, on se doute déjà que l’ensemble de départ est l’espace vectoriel des facteurs de production, qui seront donc en colonnes, et l’espace d’arrivée est l’espace des produits. Ils auront chacun au plus trois dimensions. Poursuivons.

    La fabrication d’une unité de A consomme 3 unités de U, 1 de V, 2 de W ; d’une unité de B 2 unités de U, 2 de V, 1 de W ; d’une unité de C 0 unité de U, 1 de V, 1 de W.

La matrice qui synthétise facteurs de production et quantités consommées (unitaires) s’établit donc ainsi (l’ordre est important) :

\[\left( {\begin{array}{*{20}{c}} 3&2&0\\ 1&2&1\\ 2&1&1 \end{array}} \right)\]

Elle a autant de lignes que de colonnes, ce qui définit une matrice carrée.

Revenons provisoirement à la théorie : une matrice qui ne possède qu’une colonne est appelée matrice colonne et représente un vecteur.

    L’entreprise dispose d’un stock de 18 unités de U, 9 unités de V et 10 unités de W.

Le vecteur des stocks de matières s’écrit donc \(\left( {\begin{array}{*{20}{c}} {18}\\ 9\\ {10} \end{array}} \right)\)

    Un programme de fabrication est défini par les trois valeurs : \(x,\) quantité de produit A fabriqué, \(y\) de B et \(z\) de C.

    On demande de déterminer, s’il existe, un programme de fabrication qui épuise exactement le stock de facteurs disponibles. Écrire sous forme matricielle les relations que doivent remplir \(x,\) \(y\) et \(z.\)

Nous cherchons donc le vecteur des quantités fabriquées. Ces quantités, multipliées par la matrice carrée de la combinaison facteurs / matières, devraient égaliser le vecteur des stocks de matière.

\[\left( {\begin{array}{*{20}{c}} 3&2&0\\ 1&2&1\\ 2&1&1 \end{array}} \right)\left( {\begin{array}{*{20}{c}} x\\ y\\ z \end{array}} \right) = \left( {\begin{array}{*{20}{c}} {18}\\ 9\\ {10} \end{array}} \right)\]

    Résoudre le système d’équations et expliquez la méthode choisie.

Voir le principe de la multiplication en page opérations sur les matrices. Les techniques de résolution sont nombreuses. N’étant pas en situation d’examen, nous pouvons aussi bien résoudre le système sur tableur en utilisant la matrice inverse

\[S = \left( {\begin{array}{*{20}{c}} 4\\ 3\\ { - 1} \end{array}} \right)\]

    Donnez en conclusion votre réponse à la question.

La quantité de \(z\) ne pouvant être négative, il n’existe pas de programme de production qui utilise toutes les ressources disponibles.

 

Rang d’une matrice

Une matrice peut héberger de sournoises combinaisons linéaires. En l’absence de secourable logiciel, on peut les détecter, notamment avec la méthode du pivot de Gauss. Lorsqu’une matrice en est exempte, on détermine facilement son rang. Si elle a plus de lignes que de colonnes, le rang est le nombre de colonnes et inversement si elle a moins de lignes. La matrice de notre exemple est de rang 3.

Le lien est évident avec le rang d’un espace vectoriel.

 

matrices