Les politiques de prix

Politiques tarifaires

Le pricing est une opération délicate, techniquement mais aussi en fonction de la stratégie de prix et par le choix de la politique tarifaire la plus adaptée au contexte.

C’est que le niveau d’un prix peut obéir à de nombreuses logiques, plus ou moins complexes. Et parfois déconcertantes pour le consommateur. Dans la boîte à outils des entreprises et des organisations publiques existent plusieurs politiques tarifaires. Faisons l’inventaire.

 

Logique rationnelle et prix unique

Dans une logique fondée sur l’offre, le niveau d’un prix résulte d’un calcul très rationnel qui tient compte des coûts de revient et de la marge souhaitée. Certes, la détermination des coûts est liée à différents choix et le calcul n’est pas toujours très scientifique. Mais tout de même…

La rationalité n’est pas synonyme de simplicité. Par exemple, le prix de vente peut tenir compte de la courbe de vie du produit (grâce à une bonne marge, une « vache à lait » peut ainsi financer un produit qui vient juste d’être lancé). Elle n’est pas davantage synonyme de stabilité puisqu’en raison du cours des matières premières, du coût des prestataires, de la période des soldes ou encore de la concurrence, le prix d’un produit peut rapidement évoluer. Même s’il n’est basé que sur une logique d’offre. Nous reviendrons sur les fluctuations liées au marché.

Même si paradoxalement c’est loin d’être le cas le plus fréquent, un prix peut être le même pour tous les acheteurs à un moment donné. Pour une entreprise, c’est simple à gérer mais ce n’est pas le meilleur système pour optimiser ses revenus.

 

Prix différenciés et forfaits

Le prix différencié est lié à la valeur perçue. Pour un produit qui présente des variantes, certains segments de clientèle acceptent de payer plus ou moins cher pour en bénéficier. Ce peut être un moment de consommation (happy hour…), un confort différent (voyage en première classe…), le type de clientèle (prix d’une même formation variable selon particuliers ou professionnels), etc.

Un prix forfaitaire englobe un package de plusieurs produits qui n’auraient pas été achetés séparément, ou en moindre quantité (à l’exemple des forfaits pour mobiles qui englobent une durée d’appels téléphoniques, les SMS, un certain nombre de Go reçus par Internet…).

 

Les modèles de gratuité

Un produit peut toutefois être gratuit. Distinguons deux cas de figure.

Le secteur public propose des services gratuits car il n’obéit pas à une logique économique. Du moins pas s’il s’agit de fournir des services essentiels à la population.

Ainsi l’État et d’autres organisations publiques subventionnent complètement ou partiellement certains services. C’est une démarche politique qui vise à réduire les inégalités sociales, à promouvoir la culture ou même à influencer la démographie. Exemple : en France, les familles nombreuses bénéficient d’une réduction de \(30\%\) sur les voyages en train alors qu’en Chine elles sont au contraire pénalisées. D’ailleurs, il est probable que dans une même rame de TGV les voyageurs ont payé des montants très différents les uns des autres !

TGV

Le secteur privé a développé un modèle de gratuité dans un but totalement opposé. L’objectif n’est certainement pas de donner sans rien espérer en retour.

L’une de ses formes traditionnelles est celle des échantillons, c’est-à-dire de conditionnements de très petite taille dans le but de faire connaître le produit à taille normale, évidemment payant. Les dégustations sur le lieu de vente font partie de cette catégorie. La démarche se présente donc comme une sorte de pari associé à une probabilité de vendre.

Une autre forme très classique est celle du cadeau de bienvenue, par exemple lors d’un abonnement à une revue. La démarche consiste cette fois à forcer la décision.

Des rabais visent à fidéliser la clientèle. Par exemple, Uber accorde des réductions à ses clients après quelques trajets.

Les subventions croisées directes désignent l’offre d’un produit (gratuit ou à prix très réduit) en échange d’un produit complémentaire. Typiquement : un téléphone mobile gratuit en l’échange d’un forfait de deux ans.

Les subventions croisées indirectes consistent à faire supporter par certains consommateurs ce que d’autres ne paient pas. Typiquement : séjours d’hôtel et croisières gratuits pour les enfants.

Le développement d’Internet a vu naître de nouvelles formes de business models pour lesquels la gratuité tient une place essentielle.

Il est ainsi fréquent qu’une application de base soit gratuite mais qu’une mise à niveau ou une version pro, associée à des fonctionnalités et des capacités supérieures, ne le soit pas. C’est le freemium, ou offre à deux vitesses. L’entreprise, souvent un éditeur de logiciels, crée une valeur perçue par le consommateur mais aussi une relation dans le temps avec lui dans le but qu’il monte en gamme. La démarche n’est pas très éloignée des techniques traditionnelles, lorsqu’un parfumeur espère qu’un échantillon utilisé plusieurs fois ancre ses fragrances dans les habitudes du client ! Lorsqu’il n’existe pas de version gratuite, c’est souvent une période d’essai de 30 jours qui est privilégiée pour espérer fidéliser.

Une autre possibilité offerte par la gratuité est de se démarquer de la concurrence en « faisant un geste » (pose ou livraison gratuite, offre d’un objet…).

Le marché tripartite fait intervenir un internaute, un navigateur web et une entreprise. Le navigateur peut offrir la gratuité de son moteur de recherche à l’internaute tout en faisant payer un référencement à l’entreprise.

Enfin, la gratuité pour le client peut impliquer que ses coordonnées ne le soient pas. La vente de données a explosé avec Internet. En échange d’un service gratuit, l’internaute laisse ses coordonnées à un acteur du marché et devient un prospect pour ceux qui les lui ont achetées. Par exemple, en s’abonnant à une newsletter sur la santé naturelle, l’internaute peut s’attendre à recevoir de nombreux mails qui proposent des produits, des abonnements ou des formations sur cette thématique de la part d’autres acteurs du secteur à qui l’éditeur de la newsletter a vendu l’adresse mail. Voir à ce sujet le business model des réseaux sociaux.

Bien sûr, si une entreprise abuse de la gratuité, elle risque de ne pas générer suffisamment de revenus pour couvrir ses coûts ! L’équilibre n’est pas très facile à trouver. Il doit s’appuyer sur des modèles statistiques et une compréhension approfondie des motivations des consommateurs.

 

Le yield management

Le yield management (ou gestion des capacités) est une pratique courante qui vise à optimiser les revenus en ajustant les prix en fonction de la demande et de la capacité disponible. Ce sont des algorithmes qui reproduisent, en quelque sorte, le schéma d’adéquation entre l’offre et la demande.

Souvent pratiqué dans l’hôtellerie et les transports, on le trouve également au théâtre (places moins chères si achetées à la dernière minute), à la restauration et à la publicité sur Internet.

avion de ligne

Certes, de petits hôtels proposent comme autrefois deux prix affichés longtemps à l’avance pour la haute et la basse saison. Mais les algorithmes se démocratisent et de plus en plus d’acteurs adoptent cette stratégie d’adaptation dynamique aux fluctuations du marché et aux comportements des consommateurs.

Ce système est donc parfaitement rationnel bien qu’il se traduise par des prix très fluctuants et un sentiment d’injustice pour le grand public (par exemple lorsqu’on a repéré un billet d’avion pas cher et qu’au moment de l’acheter le lendemain le prix a monté !).

De plus, il peut être couplé à la politique de prix différenciés.

 

prix différencié