L'internalisation

Lutte contre la pollution : incitations et contraintes

Le fonctionnement du marché se traduit par de fâcheuses externalités, notamment des pollutions que la collectivité doit supporter. Précisons que « supporter » signifie aussi bien « vivre avec » (exemple : une pollution atmosphérique contraint les habitants à sortir avec un masque) que « supporter financièrement » (exemple : les impôts financent la dépollution d’une plage).

Heureusement, les pouvoirs publics nationaux, État et collectivités locales, veillent. Imparfaitement, certes (voir les défaillances de l'État), et de façon très variable selon les pays, mais ils veillent. Là où ça se corse, c’est lorsque les problèmes deviennent internationaux.

Pour éviter que des comportements individuels se traduisent par des nuisances, les pouvoirs publics disposent de deux types de mesures : les incitations et les contraintes.

 

Les incitations

En premier lieu, les agents économiques producteurs d’externalités positives sont « récompensés » en percevant des subventions ou en ayant droit à des déductions fiscales.

À titre d’exemple, des subventions sont versées aux agriculteurs qui ont un rôle positif pour la collectivité (en-dehors de la mise sur le marché des produits agricoles, évidemment). Notamment, les agriculteurs entretiennent le paysage. De même, les particuliers qui installent des dispositifs visant à économiser l’énergie ont droit à des diminutions d’impôt car ils limitent une production d’énergie polluante (centrales thermiques) ou dangereuse (centrales nucléaires). Mais dans le même temps, ces mêmes particuliers s’acquittent d’une taxe d’enlèvement des ordures…

camion-poubelle

En effet, en second lieu, les pouvoirs publics font payer les pollueurs en instaurant des mesures fiscales.

Déjà en 1932, l’économiste britannique Arthur Cecil Pigou préconisait l’internalisation des coûts sociaux par le biais d’une taxe (dite taxe pigouvienne). Aujourd’hui, on utilise l’expression « pollueur-payeur » pour désigner ce principe. Les objectifs sont d’une part l’incitation des entreprises à diminuer leur pollution et d’autre part la distribution d’une compensation à ceux qui sont lésés par la nuisance.

Le principe est certes intéressant mais un calcul fiable des coûts est hélas impossible, d’autant que de nombreuses externalités n’ont pas de valeur marchande : si un forestier détruit une forêt tropicale pour en vendre le bois, faisant du même coup disparaître une espèce endémique de plante, ce n’est pas une somme d’argent qui la fera ressusciter !

De plus, le pollueur n’est pas toujours identifiable. Qui est responsable du réchauffement climatique et dans quelle mesure ? Quelles conséquences attribuer à ce réchauffement et qui peut se prévaloir d’être lésé ? Les réponses sont si floues qu’un dispositif de taxe juste est impossible à mettre en œuvre.

Pourtant, l’idée a fait son chemin depuis l’époque de Pigou ! Par exemple, en France, il existe une taxe annuelle sur véhicules polluants. Mentionnons aussi la taxe carbone qui existe dans de nombreux pays…

Troisièmement, les droits à polluer participent eux aussi à l’arsenal des incitations. Qui sont-ils ?

La logique est très différente puisqu’au lieu de chercher à réduire la pollution, l’État en fixe une quantité maximale. Il attribue également des quotas aux entreprises polluantes. Il s’agit de droits qui sont négociables. Ainsi, une entreprise qui a fait des efforts pour préserver l’environnement dispose de droits qui n’ont pas été exercés ; elle peut alors les revendre.

Le marché des droits à polluer s’est développé à partir du protocole de Kyoto, signé en 1997 et entré en vigueur en 2005. L’objectif de ce traité international a d’abord été de limiter les émissions de gaz à effet de serre à l’horizon 2012. Les pays signataires s’étaient engagés à payer des amendes si les objectifs qui leur avaient été assignés n’étaient pas respectés. Des mécanismes de flexibilité permettaient d’accompagner les politiques internes, le principal d’entre eux étant celui des permis négociables. Ce système se prolonge d’ailleurs sur une seconde période d’engagement (2013-2020).

Enfin, il existe aussi des incitations non financières. À titre d’exemple, des campagnes publicitaires visent parfois à sensibiliser les agents économiques, les étiquettes-énergie (ci-dessous) et les écolabels permettent d’orienter le choix des consommateurs, etc.

étiquette énergie

Toutefois, les États ne sont pas à l'origine de toutes ces mesures ! Ils ne font qu'accompagner des comportements citoyens qui se développent, relayés par certaines associations. C'est bien parce que de nombreux consommateurs souhaitaient se nourrir plus sainement que les pouvoirs publics ont créé en 1985 un label bio et non l'inverse !

 

Les contraintes

Des lois et des règlements imposent des normes techniques. Il s’agit de contraintes édictées par la puissance publique sur les produits qui sont commercialisés mais aussi sur leur processus de production.

Par exemple, l’industrie pétrolière est contrainte d’intégrer des biocarburants (éthanol) dans l'essence. Dans l’Union Européenne, les ampoules à incandescence ne sont plus vendues, au profit des ampoules à basse consommation (les lampes halogènes ne seront interdites qu’en 2016)…

http://www.lumitronix.fr/Interdiction-des-ampoules-a-incandescence-dans-l-UE/

En France, il existe des principes sur lesquels s'appuie le droit. Nous avons mentionné plus haut celui du pollueur payeur. Un autre est le celui de prévention. Il s'applique lorsque l'aspect négatif de l'externalité est bien connu. Exemple : la loi sur l’eau du 3 janvier 1992 oblige chacun à équiper son logement d'un système d'assainissement non polluant (fosse, raccordement au réseau d’eaux usées…). Il existe aussi un principe de précaution lorsque le danger n'est pas certain. Exemple : bien qu'il y ait débat sur le caractère nocif des rayonnements électromagnétiques émis par les antennes-relais de téléphonie mobile, le lieu d'installation et la puissance d'émission de ces dernières sont sévèrement contrôlés.

La réglementation encourage aussi l'économie circulaire, c'est-à-dire les filières fondées sur le recyclage. Il existe par exemple des directives européennes sur la recyclabilité des composants d'automobiles. Deux enjeux animent l'économie circulaire : moins de déchets et moins de pression sur des matières premières de plus en plus rares (et chères).

Cependant, il n'est pas toujours possible de contraindre les pollueurs, surtout au niveau international !

Certaines ressources sont considérées comme des biens publics mondiaux, c’est-à-dire qu’elles sont indispensables à tous les êtres vivants de la planète, aujourd’hui comme à l’avenir (exemple : la couche d’ozone). Ces biens subissent les nuisances de l’activité humaine et celle-ci s’exerce… dans des pays souverains. Si l'un d'eux refuse de limiter une pollution à l’intérieur de ses frontières, peut-être parce qu’il n’en a pas les moyens financiers, personne ne peut le contraindre.

 

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