Les défaillances de l'État

Défaillances du marché dues à l'État

Les défaillances de l’État sont un sujet sensible qui peut vite nourrir un débat politique et tourner au vinaigre. Mais personne ne peut nier leur existence. Ne pas les évoquer ici traduirait d’ailleurs une inadmissible défaillance de ce site web.

Dans une économie de marché, le rôle de l’État est d’en corriger les imperfections. Mais ce rôle n’est pas toujours bien joué. Nous examinerons quatre familles de défaillances de marché créées ou accentuées par les insuffisances des pouvoirs publics : les asymétries d’information, la concurrence imparfaite, les externalités négatives et la mauvaise gestion des biens collectifs.

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Asymétrie d’information

L’un des piliers de la concurrence pure et parfaite est la transparence. Aucune information ne doit être cachée à un acheteur. Il ne s’agit pas de divulguer des secrets de fabrication mais de renseigner le contenu et le mode de production des biens et services proposés. Par exemple, un consommateur doit savoir, s’il le désire, quels ingrédients constituent un plat préparé vendu au supermarché. En effet, tout individu peut avoir des allergies ou des interdits alimentaires. Il peut aussi vouloir équilibrer son alimentation ou estimer le bien-fondé du prix du produit.

Par la réglementation, les pouvoirs publics donnent les moyens au consommateur d’avoir ce niveau d’information.

Souvent, des lobbies usent de leur influence pour affranchir les producteurs d’un maximum de contraintes. Revenons à nos produits alimentaires. Les noms des additifs peuvent être remplacés par des codes. Par exemple, il est très courant de trouver l’acidifiant E330. Il se trouve que cet additif est très souvent Aspergillus niger, la moisissure que l’on trouve sur les fruits. Mais il ne serait pas très vendeur d’indiquer qu’un soda contient du moisi. Donc l’information figure bien sur l’étiquette, mais il faut quand même que le consommateur la traduise !

Peut-on dire que dans ce cas l’État est défaillant ? Légalement non. Moralement… nous vous laissons juge (précisons qu’aujourd’hui ce type d’information ne relève plus de l’État mais de l’Union européenne, ce qui ne change pas grand-chose pour le consommateur).

Autre exemple, dans le même ordre d’idée. Depuis 2018 le dioxyde de titane (E171) est interdit en France dans l’alimentation en raison d’une possible toxicité mais il reste autorisé… pour blanchir les médicaments. Si cela vous étonne, c’est que la transparence de l’information laisse à désirer !

Souvent une signalétique nationale ou internationale permet d’informer le consommateur : label rouge, écolabel ou encore l’un des labels bio (qui n’ont pas tous le même niveau d’exigence)… Mais l’État peut se montrer défaillant si le nombre de fonctionnaires chargés de contrôler les conditions de production est insuffisant.

C’est pourquoi les pouvoirs publics délèguent au secteur privé certains contrôles dont les résultats peuvent influer sur une vente (contrôle technique d’un véhicule, diagnostic de performance énergétique d’un logement…).

 

Concurrence imparfaite

Un autre rôle de l’État est de lutter contre les situations monopolistiques, cause possible d’inflation. Cette lutte s’étend aux cartels (producteurs qui s’entendent sur les prix).

Par exemple, en 2017 onze compagnies aériennes ont été condamnées pour entente sur les tarifs du fret après l’ouverture d’une procédure par la Commission européenne. Elles avaient été dénoncées par la compagnie Lufthansa. Mais combien de cartels passent entre les mailles du filet ?

D’ailleurs, il existait aussi des monopoles d’État. Ils ont disparu les uns après les autres sur injonction de l’Union européenne.

https://fr.wikipedia.org/wiki/Droit_de_la_concurrence_(Union_europ%C3%A9enne)

 

Les externalités

La politique est une affaire de choix. Certaines externalités négatives peuvent donc être assumées par les décideurs. Par exemple, un aménagement du territoire peut léser certains mais il est mis en œuvre pour le bien du plus grand nombre.

Les pouvoirs publics manquent à leur devoir lorsque la majorité est manifestement défavorisée au bénéfice de quelques-uns.

En principe, des normes environnementales ou des autorisations de mise sur le marché de médicaments ne devraient reposer que sur des considérations scientifiques. Or, le simple fait que la législation diffère d’un pays à l’autre démontre que ce n’est pas la science qui a le dernier mot. À quoi ces différences sont-elles dues ? Soit à des rapports de force, soit à des différences d’appréciation, le risque étant de créer des externalités négatives.

Régulièrement, l’État est condamné devant les tribunaux pour non-respect de la législation nationale ou d’accords internationaux concernant, notamment, la pollution.

Par exemple, le 14 octobre 2021, l’État français était condamné pour préjudice écologique par le tribunal administratif de Paris. Les plaignants lui reprochaient une inactivité climatique.

Autre exemple :

    Après avoir ordonné à l’Etat, depuis 2017, de faire respecter les normes européennes, reprises en droit français, de qualité de l’air, le Conseil d’État le condamne aujourd’hui à payer deux nouvelles astreintes de 10 millions d’euros pour les deux périodes allant de juillet 2021 à janvier 2022 et de janvier à juillet 2022. Si des améliorations dans la durée ont été constatées, les seuils limites de pollution au dioxyde d’azote – qui doivent être respectés depuis 2010 – restent dépassés dans plusieurs zones en France, notamment dans les agglomérations de Paris, Lyon et Marseille. A ce jour, les mesures prises par l’État ne garantissent pas que la qualité de l’air s’améliore de telle sorte que les seuils limites de pollution soient respectés dans les délais les plus courts possibles (site du Conseil d’État).

https://www.conseil-etat.fr/actualites/pollution-de-l-air-le-conseil-d-etat-condamne-l-etat-a-payer-deux-astreintes-de-10-millions-d-euros

Enfin, les subventions sont censées produire des externalités positives. Mais à condition d’être contrôlées. Sinon, les fraudes sont in fine payées par le contribuable.

 

La mauvaise gestion des biens collectifs

Les biens collectifs sont gérés par les pouvoirs publics et répondent à la double exigence de non-rivalité et de non-exclusion. Exemples : une route, les services de police et de justice…

Là encore, l’État peut manquer à ses devoirs.

    Cette journée, Mathilde l'attend depuis… dix ans. Depuis que cette jeune femme de 29 ans a franchi la porte d'un commissariat des Hauts-de-Seine pour dénoncer les faits d'agressions sexuelles commis par un membre de sa famille pendant son enfance.
    Le procès de son agresseur présumé, également poursuivi pour des faits similaires sur d'autres mineurs, est programmé ce lundi devant le tribunal correctionnel de Nanterre. Une procédure anormalement longue que Mathilde aura vécue comme un calvaire. « J'avais beaucoup de respect pour l'institution judiciaire, mais j'en ai fait mon deuil », livre cette cheffe de projet désabusée.
    (…)
    En 2009, à 19 ans, elle se décide à enclencher une action judiciaire. « On m'avait assuré que ça me ferait du bien. En réalité, je ne me suis jamais senti aussi seule que pendant toutes ces années. Et je ne suis plus certaine qu'un procès aussi longtemps après les faits aura du sens… » (le Parisien, 15 avril 2019).

L’Éducation nationale est aussi un bien collectif. Mais lorsque des classes restent sans enseignant, parfois pour une année scolaire complète, il y a clairement une défaillance de l’État.

Terminons par la situation des hôpitaux et des déserts médicaux. En termes économiques, on assiste à une demande de soins supérieure à l’offre. N’est-ce pas une défaillance de l’État d’avoir imposé jusque dans les années 2020 des numerus clausus trop stricts aux facultés de médecine alors que les données démographiques montraient qu’il fallait au contraire accepter plus d’étudiants ?

 

Etat défaillant