Quelques techniques de manipulation
Voici un sujet qui concerne tout le monde, dans la vie professionnelle comme dans la sphère privée : quelles techniques manipulatoires nous sont parfois appliquées dans une communication interpersonnelle ? Attention, il ne s’agit pas de promouvoir de sournoises façons d’orienter les choix de vos interlocuteurs, ce qui se retournerait probablement contre vous d’une manière ou d’une autre, mais au contraire de vous donner quelques clés pour les déjouer : si nous interprétons un comportement autoritaire ou une flatterie non au premier degré mais avec la bonne carte de lecture, notre réaction sera plus adaptée.
Définition
Qu’est-ce que la manipulation ? C’est l’emploi d’un stratagème visant à influencer autrui autrement qu’en le convainquant par une argumentation logique. Précisons que ce n’est pas nécessairement pour profiter de quelqu'un. C'est même parfois pour son bien (exemple : campagne de prévention routière).
La frontière entre les techniques manipulatoires et les simples astuces de communication est floue. Si lors d’un entretien de recrutement le candidat fait une remarque agréable sur le cadre de travail de son interlocuteur, on ne peut pas considérer qu’il s’agit d’une manœuvre déloyale pour obtenir le poste ! Si un vendeur téléphone à une assistante et, pour « forcer le barrage », lui pose une question trop technique afin de l’inciter à passer la communication au manageur, il s’agit déjà d’un petit jeu construit.
Manipulateurs
Qui manipule ? On peut distinguer deux types de manipulateurs : celui qui ruse en employant des techniques pour parvenir à un but (du simple vendeur au cybercriminel) et le pervers narcissique qui éprouve le besoin irrésistible d’utiliser la psychologie des victimes sur lesquelles il assoit son emprise.
Chacun réagit différemment aux manœuvres manipulatoires mais si vous faites preuve d’une certaine liberté intellectuelle et si votre vie sociale est riche d’expériences, vous êtes moins malléable que des personnes plus isolées ou qui manquent de souplesse mentale.
Passons en revue quelques techniques, sans perdre de vue qu’il en existe beaucoup d’autres !
Techniques
L’engagement
L’une des techniques manipulatoires les plus connues est celle de l’engagement. Elle consiste à solliciter un petit service anodin puis, une fois que celui-ci est rendu, d’un demander un autre plus important. Par exemple, on vous propose de signer une pétition de soutien à une cause qui fait consensus. Une fois que vous avez signé, on vous réclame de l’argent pour que cette cause puisse être défendue.
Cette astuce est aussi appelée « pied-dans-la-porte ».
L’effet Barnum (ou effet de validation subjective)
En 1949, le psychologue américain Bertram Forer théorisa une expérience qu’il avait conduite plusieurs fois auprès de ses étudiants.
Après les avoir soumis à un test de personnalité bidon, il leur remit à tous le même résultat, c’est-à-dire une description passe-partout dans laquelle chacun se reconnaissait.
La conclusion de l’expérience est que nous acceptons des énoncés généraux comme s’ils nous étaient particulièrement destinés. Des études ultérieures ont également démontré que cette acceptation est d’autant plus forte que nous reconnaissons la compétence de l’évaluateur et que les points positifs sont suffisamment nombreux pour que nous souhaitions nous approprier les résultats de l’analyse.
Grâce au phénomène de mémoire sélective, nous ne retenons par la suite que les points de concordance avec nos opinions.
La flatterie
Soigner l’ego de quelqu’un est souvent un moyen d’obtenir ce que l’on veut de lui. C’est d’ailleurs la technique la plus simple. Observée par un tiers, elle est parfaitement lisible. Dans le Bourgeois gentilhomme, Mme Jourdain n’est pas dupe des flatteries que Dorante adresse à son époux.
Cette technique ne sert pas forcément de sombres desseins. Le manageur qui complimente ses collaborateurs ou le professeur qui flatte ses élèves afin qu’ils donnent le meilleur d’eux-mêmes ne sont certainement pas d’ignobles personnages !
La projection mentale
À l’instar de la flatterie, ce n’est pas une technique très élaborée. Le manipulateur incite une personne à se projeter dans une situation. Exemples : un assureur demande à un client ce qu’il ferait dans telle circonstance désastreuse afin de l’inciter à signer une police ; une publicité pour l’un de ces nombreux appareils bidons servant à travailler les abdominaux vous laisse imaginer le six-pack que vous pourrez bientôt avoir sans trop d’efforts…
La preuve sociale
Le principe de la preuve sociale repose sur le comportement moutonnier : les autres le pensent, donc vous pouvez aussi le penser ; les autres le font, donc vous pouvez aussi le faire…
Cette technique est plébiscitée par la publicité et les médias. Elle est connue depuis l’Antiquité puisqu’on pratiquait déjà la claque, c’est-à-dire que certains spectateurs étaient payés pour applaudir un spectacle afin qu’il apparaisse à tous comme excellent.
Vous souhaitez un exemple de preuve sociale ? Allez sur n’importe quel site web commercial ! En voici un, au hasard :
La technique « peur-soulagement »
Cette technique est illustrée par Zoé Sheppard (Ta carrière est fi-nie !, Albin Michel 2012). La narratrice doit annoncer à une délégation de chefs d’entreprises devant se rendre au Kenya qu’ils ne voyageront pas en classe affaire comme prévu mais en classe économique. Elle explique comment elle s’y prendra.
« Je vais leur demander quelque chose qu’ils vont refuser en bloc, avant de leur proposer une alternative plus acceptable (…)
- Je vous demande pardon ?
- Essayer de provoquer chez eux une immense inquiétude en leur expliquant qu’ils se sont engagés à partir et que la presse serait extrêmement déçue qu’ils annulent leur voyage pour une raison aussi futile que quelques heures de confort. Ensuite, je deviens dégoulinante de sympathie.
- Vous allez leur faire peur pour qu’ils soient d’accord ?
Je me sens rapetisser.
- Ce n’est pas la peur qui provoque la soumission, mais le soulagement. »
Les manipulations statistiques
Il existe deux façons de manipuler avec des statistiques. La première est d’appuyer ses affirmations par des chiffres (peu importe qu’ils soient vrais puisqu’ils sont la plupart du temps invérifiables). La deuxième est dans le travail statistique lui-même qui peut orienter les conclusions d’une étude (voir par exemple la page sur l'indice simple).
La réciprocité
On fait quelque chose de bien pour vous (même si vous n'avez rien demandé). On s'attend donc à quelque chose en retour.
La pénurie
On vous affirme qu'un article en stock est presque épuisé pour vous inciter à en acheter un rapidement.
Autres
Il serait vain de chercher à établir une liste exhaustive des techniques de manipulation : intimidation, culpabilisation, dévalorisation, autoritarisme... Il existe un large choix d'ouvrages sur le sujet, tous plus passionnants les uns que les autres, alors bonne lecture !
http://www.lexpress.fr/styles/psycho/manipulateurs-qui-sont-ils_1666925.html