Les pouvoirs de marché

Sources des pouvoirs de marché

D’habitude, le nombre fait la force. Sur un marché, c’est le contraire. Le pouvoir appartient aux moins nombreux. Une entreprise en situation de monopole peut dicter sa loi à des millions de consommateurs.

 

Le pouvoir de marché

Le pouvoir de marché est la capacité d'une entreprise ou d'un groupe d'entreprises (éventuellement d’un monopsone) à influencer les conditions du marché telles que les prix, les quantités produites et les niveaux de concurrence.

Une entreprise peut acquérir un pouvoir de marché en développant un produit unique par sa qualité ou sa technologie, ce qui est tout à fait honorable ! Idem si elle rogne sur ses marges pour vendre moins cher. Ce ne sont pas ces situations que nous examinerons mais les cas où les principes de concurrence ne sont pas respectés.

C’est d’abord le consommateur qui pâtit des règles de concurrence faussées : voir le surplus du consommateur pour l’aspect théorique et votre porte-monnaie pour l’aspect pratique.

C’est ensuite tout le circuit économique qui perd de son efficacité. Voir la preuve théorique en page de gain à l’échange et perte sèche.

Le pouvoir de marché peut provenir de différentes sources, notamment un nombre limité d'offreurs sur le marché, des ententes entre les entreprises et des barrières à l'entrée qui empêchent de nouveaux acteurs de rejoindre le marché.

Détaillons en les illustrant ces trois types de sources.

 

Nombre limité d’offreurs

Lorsqu'un petit nombre d'entreprises offrent un bien ou un service équivalent (oligopole), le pouvoir de marché peut s’avérer significatif.

Ces entreprises peuvent avoir plus de contrôle sur les prix et les quantités produites. Au-delà de ces paramètres du marché, elles sont peu tributaires des exigences des consommateurs en matière de gamme, de conditions d’utilisation, voire d’externalités négatives… C’est bien compréhensible puisque les consommateurs n’ont guère de choix !

Exemples :

  • Industrie aéronautique : il existe un nombre limité de grandes entreprises comme Boeing et Airbus qui dominent le marché de la construction d'avions commerciaux. En raison de ce petit nombre d'offreurs, ces entreprises ont un pouvoir de marché considérable pour déterminer les prix et les conditions de vente des avions.

  • Airbus

  • Marché des télécommunications : dans de nombreux pays, seules quelques grandes entreprises fournissent des services de télécommunications, tels que la téléphonie mobile et l'accès à Internet. Ce petit nombre d'offreurs leur confère un certain pouvoir pour fixer les prix et les conditions d'utilisation de leurs services.

 

Entente entre entreprises

Les ententes entre entreprises peuvent également conduire à l'exercice du pouvoir de marché, en particulier lorsqu'elles restreignent la concurrence. Elles sont facilitées quand il existe peu d’offreurs mais tout oligopole ne s’accompagne pas d’entente et réciproquement une entente peut exister entre de nombreux offreurs.

Les ententes peuvent se traduire dans la fixation des prix ou le partage de marché.

Exemples :

  • Pétrole : l’OPEP (Organisation des pays exportateurs de pétrole) est un cartel de pays producteurs de pétrole créé en 1960. À l’origine composé de l’Iran, de l’Irak, du Koweït, de l’Arabie saoudite et du Venezuela, il s’est depuis beaucoup élargi.

    En 1973, sa décision de quadrupler le prix du baril a été la cause du premier choc pétrolier et de la crise économique de cinq années qui s’en est suivie. Aujourd’hui, les décisions de l’OPEP portent sur les quantités (qui détermineront plus ou moins le prix sur les marchés). Ainsi chaque pays membre se voit attribuer un quota de production.

    Toujours est-il que le pétrole est vendu à un prix plus élevé que si le cartel n’existait pas. Toutefois, l’OPEP n’a aucun intérêt à faire s’envoler les prix et à provoquer une crise mondiale. De leur côté, les pays importateurs cherchent à se désengager progressivement de leur dépendance aux énergies fossiles.

    Cet exemple emblématique est le plus connu. Des multinationales qui agiraient de la sorte seraient condamnées à une amende colossale par les tribunaux européens et américains.

  • Industrie pharmaceutique : des laboratoires pharmaceutiques se sont engagés dans des pratiques anticoncurrentielles telles que des accords de report d’entrée (pay for delay) où, à l’expiration d’un brevet, le fabricant d’un médicament paie d'autres laboratoires pour retarder la mise sur le marché de médicaments génériques concurrents. Cela leur permet de maintenir des prix élevés. Cette pratique a été condamnée par la Commission européenne.

  • laboratoire
  • Nous avons évoqué la situation d’ententes entre de nombreux producteurs. Aujourd’hui, elle ne peut être que tacite car il est difficile pour un grand nombre d’acteurs de se mettre hors-la-loi de concert. Mais au cours des siècles précapitalistes, cette situation était normale. Au Moyen Âge, les confréries de métiers jouissaient de « monopoles » tout en étant composées de nombreux artisans indépendants. Déjà, le pouvoir politique tentait ici ou là de lutter contre les abus.

  • En Castille, au XIIe siècle, les plaintes s’élèvent contre l’égoïsme de ces confréries : elles s’entendent pour maintenir les prix élevés, pour imposer leur monopole, pour réserver l’apprentissage aux fils de maîtres… Aussi le roi Ferdinand III le saint dissout-il toutes les confréries non strictement religieuses, et jusqu’à la fin du XVe siècle cette politique sera maintenue par ses successeurs (F. Mauro et P. Wolff, L’Homme et ses métiers vol. 2, l’Âge d’or de l’artisanat, Nouvelle librairie de France, 2000).

 

Barrières à l’entrée

Les barrières à l'entrée sont des obstacles qui compliquent ou empêchent l'arrivée de nouveaux concurrents, ce qui permet aux entreprises établies de maintenir leur pouvoir de marché.

Exemples :

  • Coûts fixes élevés : certaines industries nécessitent des investissements initiaux énormes, ce qui dissuade l’arrivée de nouveaux concurrents. Par exemple, l'industrie aéronautique requiert d'importants investissements pour créer une usine de production.

  • Réglementations : les réglementations gouvernementales et internationales, telles que les licences ou les normes de sécurité, peuvent également constituer des barrières à l'entrée. Par exemple, le secteur bancaire est soumis à une réglementation stricte qui rend difficile pour de nouveaux acteurs d'entrer sur le marché (directives de Bâle 3).

  • Les exemples précédents n’ont rien d’illicite. En revanche, une barrière établie par un cartel fausse la règle concurrentielle de libre entrée sur le marché. Notre précédent exemple des confréries cumule deux types de pouvoir de marché : l’entente et la barrière à l’entrée. En Occident, ce mode de fonctionnement était la norme avant la Révolution industrielle.

 

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