Les externalités

Implications environnementales du marché

À toute première vue, la loi du marché semble refléter une mécanique bien huilée, d’une logique quasi mathématique. Mais le marché connaît diverses défaillances, comme l'asymétrie d'information, et des conséquences, bénéfiques ou négatives, en-dehors de son cadre propre. Pour situer cette page dans les programmes de SES de seconde et de première générale ainsi que dans celui d'économie de première STMG, nous observerons plus particulièrement les effets négatifs de l’activité économique sur l’environnement (avec toute la frustration de devoir se résumer pour traiter un sujet aussi majeur !).

 

Les externalités

Un effet externe, ou externalité, est une conséquence indirecte provoquée par un agent économique (entreprise, ménage, collectivité…), sans compensation.

Cet effet peut être positif. Un petit port de pêche peut favoriser le tourisme, sans que ce soit sa vocation première. Une nouvelle station de métro peut profiter aux commerces des alentours. Des innovations permettent des gains de productivité dans des secteurs autres que celui qui en est à l’origine. Les exemples sont heureusement fort nombreux !

Mais bien souvent, ces effets indirects s’apparentent à des dommages collatéraux. La construction d’un immeuble en zone pavillonnaire fait chuter le prix des maisons situées dans le quartier, au grand dam des propriétaires. Les fermetures d’usines se traduisent par des zones sinistrées, les commerces de proximité ne pouvant subsister sans leur clientèle de salariés désormais au chômage. Et ainsi de suite.

Un impact négatif du marché entraîne un coût, immédiat ou différé, pour des individus qui lui sont extérieurs ou pour la collectivité. On le nomme coût social. Il est rarement chiffrable. D’une part ses implications financières indirectes sont trop difficiles à évaluer et d’autre part il convient de prendre en compte des implications non monétaires (culturelles, de santé, psychologiques, de réputation, environnementales, etc.). De plus, elles sont souvent très étalées dans le temps.

À titre d’exemple, la catastrophe nucléaire de Fukushima a été une externalité du marché de l’énergie au Japon. Quel fut son coût ? Impossible à évaluer sérieusement !

Les effets externes négatifs prennent très souvent la forme de dégâts environnementaux, soit par une raréfaction des ressources naturelles, soit par une pollution. Le marché tel que nous le connaissons aujourd’hui apparaît alors comme incompatible avec l’idée même de développement durable (voir aussi les défis de la croissance).

Avant d’examiner ces deux types d’atteinte à l’environnement, il convient de définir le terme d’empreinte écologique.

On appelle empreinte écologique le nombre d’hectares théoriques qu'il faudrait pour qu’un être humain consomme selon son habitude. Son train de vie s’exerce par une pression sur les ressources naturelles. L’empreinte est évidemment très différente entre un Émirati et un Indien. La superficie effectivement disponible pour produire les ressources dont nous avons besoin et pour absorber les déchets de notre consommation est connue sous le terme de biocapacité. Lorsque l’empreinte écologique est supérieure à la biocapacité, ce qui est le cas aujourd’hui et le sera encore davantage à l’avenir, on tend vers l’appauvrissement des ressources naturelles.

déforestation

Soulignons un facteur important : le temps. Les détériorations subies par la nature ont des effets négatifs pour l’activité humaine mais le boomerang met parfois longtemps à revenir à l’envoyeur ! Ce décalage entre un marché qui privilégie l’instant présent et les conséquences parfois lointaines des effets externes (dans l’espace mais aussi dans le temps) nourrit une surconsommation en toute bonne conscience…

 

1- La raréfaction des ressources

Il existe des ressources vivantes : plantes et animaux. Leur variété est connue sous un terme apparu dans les années 80 : la biodiversité. La nature nous offre aussi des ressources minérales, de l’eau, de l’air, etc.

Dangers pour la biodiversité

Nous avons vu que les coûts sociaux étaient difficilement chiffrables. Mais parfois, on ne sait même pas si une catastrophe a eu lieu ! Lorsque des forêts tropicales sont brûlées pour faire paître le bétail, donc pour alimenter le marché de la viande, des espèces végétales disparaissent avant même d’avoir été découvertes. Or, certaines d’entre elles produisaient peut-être des molécules qui auraient permis à l’industrie pharmaceutique de combattre des pathologies. La déforestation entraîne alors trois types de coûts sociaux : l’un pour la santé publique (en termes de bien-être), un autre pour la filière pharmaceutique et un troisième pour la planète (le seul à être perceptible, du moins partiellement).

Globalement, les activités économiques constituent depuis toujours l’ennemi quasi unique de la biodiversité. Cette menace existait déjà dans l’Antiquité. Des espèces ont disparu soit parce qu’elles faisaient elles-mêmes l’objet d’un marché, soit parce qu’elles en menaçaient un. La prédation des sociétés traditionnelles visant à l’autosubsistance (hors marché) ou à sa protection n’a jamais été une menace majeure pour la biodiversité, mais elle a tout de même causé la disparition de nombreuses espèces animales (mammouth, ours des cavernes...). En particulier, le peuplement de l'Océanie a été dévastateur.

Autres ressources

Localement, on assiste depuis toujours à des raréfactions de ressources. Des mines ou des carrières ne sont plus exploitées lorsqu’il n’y a plus rien à extraire. Des ruées vers l’or ont laissé des villes fantômes une fois les filons épuisés. En France, l’exploitation commerciale du gaz de Lacq a pris fin. La question de l'épuisement des ressources naturelles faisait déjà l'objet de débats entre économistes au dix-neuvième siècle mais c’est surtout depuis le siècle dernier, sous le double impact de la pression démographique et des progrès technologiques, que l’empreinte écologique des humains a explosé au niveau planétaire.

L’un des enjeux majeurs de notre siècle est de trouver des sources énergétiques alternatives puisque les énergies fossiles n’existent qu’en quantité limitée (pétrole, gaz naturel, charbon).

Les ressources de la nature sont des biens communs. Certes, certaines sont soumises à la loi du marché : si les réserves de pétrole se tarissent, le prix du baril monte. Mais s’il n’y en a plus du tout, aucun ajustement n’est possible. Un élément plus accessible, comme l’eau d’une rivière ou l’air respirable, possède d’autres spécificités que celle d’un éventuel épuisement. Il s’agit d’une ressource commune, c’est-à-dire partagée entre plusieurs utilisateurs. Sa gratuité est source de gaspillage puisque chacun peut se comporter en « passager clandestin », c’est-à-dire en profiter sans s’inquiéter de sa protection.

 

2- Les pollutions

Aujourd’hui, le terme de pollution s’applique à de nombreux désagréments (visuels, olfactifs, sonores, électromagnétiques…). On évoque même la pollution lumineuse… Certes, il s’agit de coûts sociaux. Mais les principales menaces pour l’environnement et la santé publique sont les pollutions de l’air, de l’eau et du sol. On peut d’ailleurs ajouter à cette liste la « pollution » des aliments eux-mêmes qui, faisant réagir les consommateurs, a provoqué l’émergence du bio.

timbres

Il existe des pollutions accidentelles aux conséquences dramatiques et coûteuses à court terme (marées noires, accidents nucléaires). Mais il en existe surtout qui sont inhérentes à l’activité économique. Les pollutions atmosphériques sont d’origines multiples : industries, circulation, chauffage, insecticides… Certaines contribuent à l’effet de serre et ne connaissent évidemment pas les frontières. Les pollutions de l’eau et des sols sont liées à certaines pratiques agricoles, à une partie de l’industrie et aux décharges.

 

Conclusion

Les activités économiques se traduisent par une raréfaction des ressources naturelles, vivantes ou non, et par des pollutions de toute nature. Il s’agit d’externalités négatives qui entraînent des coûts sociaux difficilement chiffrables pour les populations et les États.

Idéalement, chaque agent devrait assumer financièrement son coût social. C'est pour tendre vers cette justice économique qu' une intervention des pouvoirs publics se justifie. Les États peuvent interdire la commercialisation d'objets polluants (pailles en plastique...), instaurer des taxes et même des droits à polluer (voir l'internalisation) dont la mise en œuvre ne fait que retarder un véritable suicide collectif où le marché apparaît comme un instrument actionné par un égoïsme trop présent. Sans parler des défaillances des États eux-mêmes.

 

épuisement