Progrès technique et productivité
En principe, les entreprises cherchent à améliorer leur productivité. Il n'est pas garanti que vous serez plus productif lorsque vous aurez lu cette page mais au moins vous saurez de quoi il s’agit.
Définitions
La productivité est un rapport entre une richesse, bien ou service, et les facteurs de production nécessaires à sa création.
Il existe deux facteurs de production : le travail et le capital. Par conséquent, on peut calculer une productivité du travail, du capital ou globale. On obtient un ratio qui peut être suivi dans le temps ou comparé à celui d'un atelier, d'un concurrent, d'un secteur d’activité ou d'un pays.
La productivité du travail peut s'observer par individus ou par équipes. Elle se présente comme une quantité produite par rapport à la main d’œuvre utilisée pour l'obtenir. Mentionnons deux ratios.
La productivité par tête : \(P\) \(=\) \(\displaystyle{\frac{{{\rm{quantités\;produites}}}}{{{\rm{effectif}}}}}\)
La mesure de la quantité varie selon le type de production : des stères de bois, des tonnes de cuivre, des cols de bouteilles, des nombres de véhicules… Bien sûr, si l’on mesure une quantité de services ou si l’on doit agréger des industries différentes, on doit prendre une mesure monétaire tout en sachant que l’analyse sera « polluée » : il suffit d’augmenter un prix pour se prétendre plus productif ! Cette mesure est la valeur ajoutée (VA).
Le dénominateur aussi peut manquer de précision car tout le monde ne travaille pas selon le même volume horaire. C’est pourquoi on peut préférer un rapport plus précis, la productivité horaire de main d’œuvre :
\(\displaystyle{P = \frac{{{\rm{quantités\;produites}}}}{{{\rm{nombre\;d'heures\;travaillées}}}}}\)
Là encore, on peut remplacer les quantités par la VA.
La productivité du capital est un rapport entre le chiffre d’affaires (total des ventes) et le montant des immobilisations, c'est-à-dire des investissements qu’il a fallu réaliser pour l’obtenir (on rapporte cette fois-ci une somme d’argent à une autre).
\(\displaystyle{P = \frac{{{\rm{chiffre\;d'affaires}}}}{{{\rm{immobilisations}}}}}\)
Notez qu’en agriculture, on parle souvent de rendement à l’hectare. Cette notion est une mesure particulière de productivité.
La productivité globale est celle qui prend en compte le travail et le capital simultanément. Elle est une mesure du progrès technologique.
Grâce au progrès, ces ratios ont beaucoup augmenté au cours du temps. On parle de gain de productivité. Par exemple, le rendement à l’hectare de la plupart des céréales a véritablement explosé entre les années 50 et les années 90 avant de se stabiliser.
Au niveau de l’individu, la productivité du travail augmente aussi avec l’expérience. Il est normal qu’avec davantage de savoir-faire un salarié ou un artisan produise passe moins de temps à produire un bien ou un service particulier qu’il n’en passait lorsqu’il débutait dans le métier. Il est tout aussi normal qu’avec l’âge la productivité du travail diminue, bien qu’il s’agisse pour de nombreuses professions d’une idée reçue. Prenons tout de même l’exemple des footballeurs. Un attaquant est jugé sur certaines actions (nombre de buts marqués, tirs cadrés, passes décisives...). Un indicateur de productivité peut être le nombre de ces actions rapportées au nombre de minutes jouées au cours de la saison. Et il est bien normal qu’au-delà d’un certain âge il commence à baisser…
La productivité marginale est le rapport entre l'accroissement d'un output (production ou ventes) par rapport à l'accroissement d'une unité d'un facteur de production.
Le progrès technique
Donc, ce sont surtout les progrès techniques qui autorisent les gains de productivité. On désigne ainsi les améliorations technologiques ou de méthode de production qui permettent d’obtenir des biens et services en plus grand nombre ou de meilleure qualité. Un exemple emblématique est celui de la photo lors du passage de l’argentique au numérique. Pour le grand public, ce bouleversement s’est traduit par des photos de meilleure qualité, moins chères et plus rapides à obtenir.
Ces progrès ne bénéficient pas qu’au consommateur. Certaines innovations intéressent les entreprises et c’est grâce à elles que des gains de productivité sont réalisés. Le travail à la chaîne a été l’une d'elles.
Cette évolution se se passe pas sans heurts car elle implique presque toujours une automatisation, donc des suppressions d’emplois mais aussi la création de nouveaux métiers. C’est le phénomène de déversement des emplois dont une conséquence est la montée du secteur tertiaire. Du point de vue de l’économiste, c’est un simple ajustement. Mais sur le terrain, c’est un drame pour ceux qui ne peuvent pas s’adapter… Notez qu'aujourd'hui le mouvement se poursuit sur de nouveaux terrains, certaines professions intellectuelles étant désormais menacées par l'IA. Voir la page sur les défis de la croissance.
Exemple 1 : pour moissonner un are de blé, il fallait en 1800 une heure avec une faucille ; en 1850 quinze minutes aves une faux ; en 1900 il ne faut plus que deux minutes avec une faucheuse-lieuse ; en 1920 la faucheuse-lieuse à traction mécanique réduit ce temps à quarante seconde (F. Bédarida, l'Homme et ses métiers T. 3 l'Ère des révolutions, Nouvelle librairie de France, 2000). Ces progrès s'accompagnèrent de l'exode rural. Beaucoup moins de bras étant nécessaire pour le travail agricole, la population rurale migra vers les villes, là où les usines nées de la Révolution industrielle avaient besoin de main d’œuvre.
Exemple 2 : au dix-neuvième siècle, les transports en commun étaient tirés par des chevaux. En 1913 disparurent les derniers omnibus et tramways hippomobiles parisiens, remplacés par la traction mécanique. Le personnel qui s’occupait des chevaux fut licencié et des mécaniciens furent embauchés. Les gains de productivité sont ici évidents pour de très nombreuses raisons. Que l’on songe seulement au temps de préparation des omnibus hippomobiles sachant qu’à la fin du dix-neuvième siècle il fallait hisser tous les soirs dans de vastes remises à étages les 15 000 chevaux qui devaient passer la nuit dans Paris puis les redescendre le lendemain matin !
Aujourd’hui, les progrès techniques sont incroyables. Mais ils ne peuvent rivaliser avec tous ceux de la Belle Époque (1879-1914) qui a vu de nombreuses inventions révolutionner une société en pleine métamorphose : automobile, matières plastiques, téléphone, antisepsie, réfrigérateur, ampoules électriques, phonographe, stylo, cinéma, radiologie, magnétophone, radio, avion, culture d’hybrides, etc.
Comme l'a démontré l'économiste américain Kenneth Joseph Arrow, le progrès technique est à la fois la cause et l'effet de la croissance.
Le bon côté et le côté obscur
La recherche à tout crin de la productivité est ce que l’on appelle « la politique du chiffre », en opposition à la qualité qui n’apparaît pas dans les statistiques ou dans les comptes. Il est plus facile de publier de bons indicateurs chiffrés que d’évaluer la plus ou moins bonne qualité des produits que l’on a du mal à apprécier. Cette politique du chiffre explique aussi bon nombre de situations de stress sur le lieu de travail et pas seulement dans les entreprises (police, par exemple).
Heureusement, la recherche de gains de productivité n’a pas que des aspects négatifs ! Globalement, on se félicite des meilleurs résultats financiers induits par ces gains. Si une entreprise connaît une productivité supérieure à ce qui s’observe par ailleurs dans son secteur d’activité, elle a un avantage concurrentiel certain. Le gain peut aussi se traduire par une baisse des prix et donc par un intérêt pour le consommateur, ainsi que par des mesures salariales.
Au niveau macroéconomique, cette conjonction de baisse des prix et de hausse des salaires provoque mécaniquement une augmentation du pouvoir d’achat. Parallèlement, des profits plus élevés permettent aux entreprises d’investir, donc de soutenir le secteur des biens d’équipement. Tout concourt donc à un accroissement de la demande.