Le produit matriciel

Multiplication de matrices

La multiplication de matrices, lorsqu’elle est réalisée « à la main », est l’une des opérations les plus rébarbatives que les mathématiques peuvent nous offrir. Mais que cette entrée en matière ne vous rebute pas ! Il est intéressant d’en connaître le principe avant de la réaliser de façon plus confortable, c’est-à-dire avec une calculatrice ou un logiciel (voir aussi l'exercice de synthèse).

Précisons que les bases de la théorie des matrices, notamment la non-commutativité de la multiplication, ont été découvertes au milieu du dix-neuvième siècle par le mathématicien allemand Gotthold Eisenstein, alors âgé de vingt ans...

 

Le principe

Afin de bien comprendre le mécanisme, commençons par multiplier une matrice-ligne (ou vecteur-ligne) par une matrice-colonne (ou vecteur-colonne).

Pour que la chose soit réalisable, il faut que le nombre d’éléments soit le même dans les deux matrices. Autrement dit, la matrice-ligne est de dimensions \(1 \times p\) et la matrice-colonne est de dimensions \(p \times 1.\)

Le résultat sera un nombre, obtenu par une somme dont les termes sont le produit des deux premiers éléments de chaque matrice, le produit des deux éléments suivants, et ainsi de suite.

Exemple. Soit un bureau de poste portugais que nous appellerons A. Au cours d’une matinée, divers timbres y sont achetés. Leurs valeurs sont exprimées en escudos (nous nous situons avant la création de l’euro). Les valeurs possibles sont 2,50, 5,50 et 6,50 Esc.

charrettes

Il a été vendu 40 timbres à 2,50 Esc., 10 timbres à 5,50 Esc. et 12 timbres à 6,50 Esc. La recette totale est obtenue en additionnant chaque quantité multipliée par la valeur faciale du timbre (40 timbres à 2,50 Esc., etc.). En l’occurrence, 233 Esc. Cette opération peut être exprimée par un produit matriciel.

\(\left( {\begin{array}{*{20}{c}} {2,5}&{5,5}&{6,5} \end{array}} \right) \times \left( {\begin{array}{*{20}{c}} {40}\\ {10}\\ {12} \end{array}} \right)\) \( = 2,5 \times 40 + 5,5 \times 10 + 6,5 \times 12\) \(= 233\)

Toutefois l’intérêt des matrices ne se limite pas à ce genre de calcul simplissime. En effet, une matrice peut contenir plusieurs lignes et plusieurs colonnes, parfois même des millions dans les domaines d’application du big data.

Ainsi on peut multiplier une matrice de dimensions \(m \times n\) par une autre de dimensions \(n \times p.\) La matrice qui en résulte sera de dimensions \(m \times p.\) Chacun de ses coefficients \(c_{ij}\) est la somme des produits des éléments de \(i^{ème}\) ligne de la première matrice par les éléments de la \(j^{ème}\) colonne de la seconde.

Supposons que deux autres bureaux de poste B et C vendent eux aussi des timbres mais y compris avec des valeurs non vendues dans le bureau A (soit 16,00, 19,00 et 20,00 escudos).

charrettes

Les quantités vendues par chaque bureau sont indiquées dans le tableau ci-dessous :

Sujets des timbres A B C
Charrette de cruches d’eau : 2,50 Esc. 40 50 60
Éfourceau pour transport de madère : 5,50 Esc. 10 20 40
Charrette pour transport de vin : 6,50 Esc. 12 50 50
Charrette bâchée de l’Alentejo : 16,00 Esc. 0 2 4
Charrette à mules de l’est : 19,00 Esc. 0 2 2
Charrette des sables de Murtosa : 20,00 Esc. 0 1 2

Notre matrice-ligne, qui reprend toutes les valeurs possibles de timbres, est alors de dimensions \(1 \times 6.\) Elle multiplie une matrice \(6 \times 3,\) c’est-à-dire que chaque valeur de la matrice-ligne est multipliée par la valeur correspondante de la matrice \(6 \times 3,\) et ceci pour chaque colonne. Le résultat est une matrice \(1 \times 3,\) qui donne la recette de chacun des trois bureaux de poste.

avec 3 bureaux

C’est un peu comme si l’on basculait à trois reprises la matrice-ligne en avant afin de faire coïncider pour chaque type de timbre son prix unitaire avec la quantité vendue dans chaque bureau de poste. Notez que l’on retrouve bien la recette de 233 Esc. pour le bureau A.

On pourrait aussi ajouter une deuxième ligne à la première matrice pour indiquer non seulement le prix mais aussi la marge bénéficiaire. Le produit matriciel se traduirait par une matrice \(2 \times 3.\) La première ligne resterait identique (la ligne des recettes) et la seconde indiquerait la marge réalisée par chaque bureau.

Formalisons le principe du calcul :

produit matriciel

Pour chaque élément :

\({c_{ij}}\) \( = {a_{i1}} \times {b_{1j}} + ... + {a_{ij}} \times {b_{ij}} + ... + {a_{in}} \times {b_{nj}}\)

Vous comprenez maintenant pourquoi la multiplication de matrices sans outil informatique relève du cauchemar éveillé.

Par ailleurs, il est tout à fait possible de multiplier trois, quatre matrices ou beaucoup plus. Une matrice carrée peut donc être multipliée par elle-même (voir les puissances de matrices).

 

Propriétés

Considérons trois matrices \(A,\) \(B\) et \(C.\)

Non commutativité : \(AB \ne BA.\) Nous avons commencé l’exemple ci-dessus par le produit d’une matrice \(1 \times 3\) par une matrice \(3 \times 1.\) Le résultat était une matrice \(1 \times 1,\) c’est-à-dire un simple nombre. Si l’on avait multiplié la matrice des quantités \(3 \times 1\) par celle des prix \(1 \times 3,\) nous aurions obtenu une matrice \(3 \times 3,\) évidemment différente. En l’occurrence, cette matrice n’a guère d’intérêt (hormis la diagonale principale qui indique le montant des recettes par valeur de timbre) :

\[\left( {\begin{array}{*{20}{c}} {100}&{220}&{260}\\ {25}&{55}&{65}\\ {30}&{66}&{78} \end{array}} \right)\]

Associativité : \(A \times (B \times C)\) \(= (A \times B) \times C\)

Distributivité à gauche : \(A \times (B + C)\) \(= (A \times B) +(A \times C)\)

Distributivité à droite : \((A + B) \times C\) \(= (A \times C) + (B \times C)\)

 

Matrice identité

La matrice identité d’ordre \(n\), notée \(I_n,\) est la matrice dont tous les éléments sont nuls sauf ceux de la diagonale principale qui sont égaux à 1. Par exemple :

\({I_3} = \left( {\begin{array}{*{20}{c}} 1&0&0\\ 0&1&0\\ 0&0&1 \end{array}} \right)\)

Propriété : pour toute matrice carrée \(A,\) on a \(A \times I_n\) \(= I_n \times A = A.\) En d'autres termes, \(I_n\) est l'élément neutre du produit matriciel.

 

calcul matrices