Tableau de bord des recrutements
Pour ceux qui sont passés par les fourches caudines du recrutement, il s’agit là d’une activité étrange, parfois arbitraire, souvent subjective, jamais plaisante. Des candidats se font juger sur des critères de décision souvent dérisoires au regard de l’enjeu alors que de l’autre côté du miroir, en coulisses, coexistent incertitude, prise de risque, approche psychologique (rigoureuse ou intuitive) et même… statistiques.
Cette étape du processus ne sera pas traitée ici. Il existe de très nombreux blogs, parfois excellents, sur le sujet. Ils sont d’ailleurs beaucoup plus instructifs que les innombrables discours stéréotypés sur l’objectif du gagnant-gagnant que l’on peut lire ou entendre un peu partout. En revanche, la métrique RH et les statistiques, impitoyables observatrices des rectruteurs et des recrutés, vont mériter toute notre attention.
Nous évoquerons dans un premier temps la comptabilisation (voir aussi les mouvements d'effectifs au bilan social), puis la mesure de l’efficacité du recrutement et enfin son coût, cette typologie d'indicateurs RH pouvant bien sûr être modifiée ou complétée selon l'articulation du ou des tableaux de bord. D'autres indicateurs que ceux indiqués ci-dessous peuvent aussi se révéler très pertinents.
Statistiques descriptives
Que faut-il compter ? Tout dépend des usages de l’entreprise mais la plupart du temps, il est délicat d’agréger les différents types de contrat. Le premier décompte est donc celui des CDI (Contrats à Durée Indéterminée), y compris les transformations de CDD en CDI. À moins que les embauches sous CDI soient très minoritaires, ce sont elles que l’on s’empresse de décomposer : catégorie hiérarchique, sexe, âge (le bilan social prévoit d’ailleurs un sous-total pour les nouveaux embauchés de moins de 25 ans) ... Les ventilations par direction ou par zone géographique ne sont pas nécessairement publiées mais font partie du tableau de bord.
Les mutations d’un établissement à l’autre apparaissent dans les bilans sociaux d’établissement (qu’il ne suffit donc pas d’additionner pour obtenir un bilan social d’entreprise !).
Un taux de recrutement peut être défini comme la somme des recrutements en CDI sur la période, par rapport à l’effectif CDI total en fin de période précédente.
Si les CDD sont relativement peu nombreux et de durées longues, il n’est pas horrifiant de les agréger aux CDI. En revanche, s’il existe des CDD d’une heure ou si ce type de contrat est tout à fait habituel, il vaut mieux les comptabiliser à part. Lorsque les flux sont trop nombreux, l’indicateur perd en signification et seul l’effectif moyen CDD (en Équivalents Temps Plein) est significatif. Éventuellement, on distingue les nouveaux contrats des reconductions.
En principe, les saisonniers font l’objet d’un troisième décompte. Les autres types de contrats (stages, contrats aidés par les pouvoirs publics…) sont suivis de la façon qui s’adapte le mieux aux types de mouvements, à l’instar des CDD.
S’il existe un système de titularisation, le calcul d’un taux par rapport aux recrutements peut être intéressant (sauf si tout le monde ou presque est titularisé, bien entendu). La transition est toute trouvée pour évoquer maintenant l’efficacité.
Efficacité
Les recrutements visent à ajuster une partie des ressources aux besoins de l’entreprise. Il s’agit d’une adaptation quantitative mais aussi qualitative, B. Martory parlant même de « greffe d’organe » (Tableaux de bord sociaux, éd. Liaisons 2004, p. 78), pour le présent et surtout pour le futur.
Le suivi de l’efficacité constitue un complément naturel au suivi des candidatures (voir cette page).
La qualité du recrutement est habituellement mesurée par le nombre de salariés encore présents un an après leur embauche par rapport au nombre de recrutements sur la période. Notons au passage que ce type d’indicateur faisant intervenir une « cohorte » n’est pas toujours simple à obtenir et qu’il faut penser à ce type de requête lors de la mise en place d'un SIRH.
Avant d’établir ce ratio, on peut comparer la sélection de candidats avec leurs résultats aux tests d’embauche (pour évaluer la sélection), puis comparer ces résultats avec le nombre de collaborateurs encore présents un an plus tard ou avec leurs prouesses au travail, voire leurs promotions (pour évaluer la pertinence des tests !). Pour cela, l’utilisation de tests (statistiques, ceux-ci) de fréquences ou de moyennes sur échantillons appariés est tout indiquée.
L’efficacité du service recrutement s’apprécie par le nombre de CV analysés (par personne et en globalité), le nombre d’entretiens (idem) ou encore la durée d’une sélection. De toute façon, ces indicateurs ne peuvent être suivis indépendamment des indicateurs de qualité, une analyse très rapide des CV pouvant aussi bien être le signe d’un excellent professionnalisme que d’un travail bâclé…
Les coûts
Selon le niveau de finesse du suivi budgétaire, ils sont analysés globalement, par profil, voire pour toute nouvelle embauche.
Affectés ou globaux, visibles ou cachés, ils s’ajoutent aux coûts de gestion des candidatures. Les coûts directs sont les remboursements de frais aux candidats, les charges externes (graphologues, consultants, visites médicales…) et bien sûr le temps de travail des chargés de recrutement.
Une fois l’embauche réalisée, d’autres coûts sont affectés au recrutement soit durant un an, soit jusqu’à la titularisation. Les éventuels coûts de déménagement en font partie. Mais il s'agit pour une bonne part de coûts cachés liés à l'apprentissage.
Si le tracé d’une courbe d’apprentissage reste souvent une simple vue d’esprit, il convient au moins d’estimer forfaitairement la moindre efficacité professionnelle des nouveaux entrants… On se reportera à J.-M. Peretti (Ressources humaines, Vuibert 2007 p. 217) qui distingue trois périodes produisant des coûts d’adaptation : la phase d’information, l’apprentissage du métier puis la phase d’apport personnel.
Les coûts de formation des nouveaux embauchés en font partie. On pensera à les indiquer dans le tableau de bord de la formation. Dans le détail des affectations de coûts RH, il est plus juste qu’ils relèvent du recrutement.
Enfin, selon les recrutements, ces coûts ne sont pas imputables aux mêmes facteurs et il est toujours intéressant faire la distinction entre le coût d'une création de poste (qui est d'une certaine manière un investissement) et le coût de remplacement (qui doit être inclus dans celui du turnover).