Agressivité au travail
L’agressivité est un phénomène « naturel » au sens où elle existe chez les animaux, chez qui elle apparaît dans trois situations : la survie, la reproduction et la protection de la progéniture. Mais comme toujours, les humains sont plus compliqués.
Le comportement agressif est en partie une construction sociale puisque très différent selon les peuples et les époques.
Globalement, il est plus marqué chez les hommes que chez les femmes. Si vous n’êtes pas convaincu par les statistiques, il vous suffit d’observer une cour de récréation.
Ici, nous nous limiterons aux situations individuelles. Nous analyserons les mécanismes du comportement agressif en général mais nous prendrons des exemples dans le milieu professionnel.
Contre qui ?
L’agressivité peut être tournée contre :
- Une personne (y compris soi-même)
- Une autorité (débordements lors des mouvements sociaux…)
- Un objet (pour le plus grand plaisir des vendeurs de vaisselle)
Ci-dessous, « Dispute » (musée Carnavalet).
Quatre familles d’agressivité
- L’agressivité instrumentale est calculée. Son but est bien défini : pousser un salarié à la démission, obtenir par chantage des conditions exorbitantes d’un fournisseur… Le harcèlement sur les réseaux sociaux entre dans cette catégorie.
- L’agressivité par frustration est émotionnelle et peut se traduire par des accès de violence. Si un client s’en prend à un vendeur parce qu’il veut se faire rembourser un produit qui ne fonctionne pas, il s’agit d’une agressivité instrumentale mais s’il le menace personnellement, elle est émotionnelle.
- L’agressivité réactionnelle est une contre-attaque.
- L’agressivité pathologique est la conséquence d’une perte du sens des réalités. Elle peut résulter de troubles mentaux mais aussi d’une addiction. C’est par exemple un comportement violent sous l’effet de l’alcool ou de perturbateurs endocriniens.
Processus
Certains facteurs de stress peuvent faire dégénérer un conflit : le bruit, la chaleur, la foule, la promiscuité, une crainte collective… Par exemple un risque de pénurie d’essence engendre des comportements agressifs dans les stations-services.
Avant de montrer des signes volontaires d’irritabilité, l’individu peut ressentir une respiration plus rapide, une hausse du rythme cardiaque, un rougissement, des muscles tendus ou encore une hypervigilance. Il peut aussi laisser transparaître des signes avant-coureurs : ton qui monte, gestes brusques, etc.
On dénombre cinq phases dans une situation d’agressivité contre une autre personne.
- L’individu coupe la parole de son interlocuteur. Les émotions sont encore sous contrôle et le processus peut être désamorcé en montrant de l’empathie et en opposant des arguments.
- Il parle plus vite et plus fort. Le raisonnement devient difficile. Si par exemple un client se montre trop vindicatif au téléphone, il faut le prévenir que s’il ne calme pas on raccrochera (tout en laissant la porte ouverte à une résolution future du problème).
- Ensuite vient la phase de crise, au cours de laquelle une violence physique est à craindre. Il est sage de se mettre hors de danger, quitte à revenir une fois l’orage passé.
- Au cours d’une phase de décompression, l’individu se calme mais une étincelle risque de réanimer la crise.
- Enfin, plus ou moins honteux, l’individu connaît un moment de dépression.
Agressivité subie
La gestion d’un interlocuteur agressif demande une bonne maîtrise de soi et une certaine force mentale. Il faut rester assertif, respectueux de l’opinion de l’autre, annoncer les suites à donner et s’y tenir.
Et si la situation a dégénéré ? Une victime connaît trois phases.
- La décharge émotionnelle, qui peut s’accompagner de manifestations physiques (tremblements, jambes qui flageolent, palpitations…). Bien sûr, les réactions diffèrent selon les personnes. La victime peut pleurer, être confuse, étourdie, refouler ses émotions… Souvent l’incompréhension domine. C’est le moment où elle a le plus besoin de soutien.
- La digestion : la victime reste vigilante. Son esprit hésite entre se repasser le film ou au contraire se distraire pour l’oublier… sans vraiment y parvenir.
- La période de guérison varie selon la sensibilité de la victime. Elle peut prendre plusieurs jours comme plusieurs années dans les cas les plus traumatisants.
Il est primordial qu’une victime soit écoutée et soutenue.
Dans les minutes qui suivent l’altercation, la victime a besoin d’être entourée. S’il s’agit d’une agression physique, on lui demande s’il faut prévenir sa famille ou la police. Dans les organisations concernées par la violence, il existe en principe une procédure.
Au cours des jours suivants, la hiérarchie doit recevoir la victime.
Éventuellement, une visite à la médecine du travail peut être programmée.
Limiter les risques
Il est toujours préférable de prévenir les comportements agressifs plutôt que d’en gérer les conséquences !
Comment ?
En milieu professionnel, identifions quatre causes.
- Les problèmes de communication : les malentendus et les maladresses sont des causes fréquentes d’agressivité. Si par exemple, un client doit réexpliquer une mésaventure au téléphone, il risque d’être très irrité. En effet, il est inutile de laisser quelqu’un s’exprimer longuement si l’on n’est pas sûr de pouvoir résoudre son problème.
- Les instructions peu claires : les règles doivent être édictées plutôt deux fois qu’une ! Si vous vous présentez à une caisse de supermarché qui n’accepte que les cartes bancaires, non seulement cette information est inscrite devant le tapis roulant mais le personnel de caisse prévient les clients pour ne pas qu’une attente inutile génère de l’agressivité.
- L’injustice : un resquilleur qui dépasse les autres dans une file d’attente, des rémunérations inéquitables, des mérites qui ne sont pas attribués à la bonne personne, des places de parking non respectées… Il peut suffire d’une étincelle pour qu’une injustice provoque l’agressivité.
- Le stress est un vecteur d’agressivité : un délai trop court pour effectuer un travail, par exemple. Et les problèmes informatiques qui se greffent dessus !
On peut aussi évoquer des facteurs environnementaux qui, s’ils ne provoquent pas eux-mêmes l’agressivité, peuvent contribuer à faire naître ou à entretenir une certaine irritabilité (luminosité, température, locaux mal sécurisés, absence de personnel de sécurité, lieu de travail pas assez ouvert…).
Les manageurs ont donc un rôle essentiel pour prévenir les comportements agressifs.