Le contrôle de l'action publique

Conflits d'intérêt et contrôles des organisations publiques

Des esprits mal intentionnés seraient susceptibles d’utiliser les pouvoirs publics à leur profit ! Heureusement, des garde-fous existent pour protéger l’intérêt général contre ces funestes desseins…

Après avoir montré par quelques exemples qui, de l’intérieur ou de l’extérieur, pourrait profiter du système, nous verrons comment une organisation publique se protège, là aussi par des dispositifs internes et externes.

 

Les conflits d’intérêt

Les pouvoirs publics sont guidés par certains principes. Leur respect est la marque d’un État de droit, par opposition aux États faibles où règnent arbitraire et corruption.

Parmi les règles qui guident l’action des agents : le respect de l’égalité entre administrés ou usagers (pas de favoritisme, par exemple), le devoir de discrétion (non-divulgation de certaines informations), l’obligation de réserve (retenue dans l’expression de ses opinions personnelles) …

Lorsque ces principes ne sont pas respectés, et particulièrement les deux premiers, il peut y avoir conflit d’intérêt. Concrètement, celui-ci apparaît lorsqu’un individu s’octroie des faveurs, à lui ou à ses proches, au détriment de l’intérêt général qu’il est censé servir. Ce délit peut donc être le fait d’un élu, d’un fonctionnaire mais aussi d’un dirigeant privé.

Le délit d’initié est un type bien connu de conflit d’intérêt. De quoi s’agit-il ? Si dans le champ de sa mission un investisseur profite d’informations confidentielles pour s’enrichir sur les marchés des valeurs mobilières, il le fait au détriment d’autres acteurs, en particulier des petits porteurs. Certains dirigeant de sociétés cotées ont ainsi été condamnés pour avoir vendu ou acheté des actions alors qu’eux seuls savaient qu’une opération sur le capital allait avoir lieu.

Ce type de délit existe dans la sphère marchande mais peut affecter les pouvoirs publics. Supposons qu’un agent de l’ANSM (Agence Nationale de Sécurité du Médicament) soit au courant d’une prochaine autorisation de mise sur le marché d’un produit très prometteur pour un laboratoire pharmaceutique coté en bourse. Il achète des actions de celui-ci, anticipant une hausse de leur prix au jour où l’annonce sera officialisée, afin de les revendre avec une plus-value. Cet exemple fictif montre ce que peut constituer un délit d’initié dans le cadre d’une organisation publique.

Le népotisme est une autre forme de conflit d’intérêt. Il consiste à abuser de son pouvoir pour nommer ses proches à certains postes sans qu’ils aient nécessairement les compétences attendues.

« Favoritisme politique » est le terme élégant qui évite d’employer celui de « corruption », que la classe politique et les journalistes réservent aux pays plus lointains… Typiquement, une entreprise offre des avantages (argent, cadeaux, embauche…) en échange d’un contrat ou d’un service d’ordre administratif (par exemple, un maire fait modifier le plan d’occupation des sols au bénéfice d’un promoteur).

La corruption profite du flou. Il est souvent délicat de délimiter une frontière entre le fait délictueux et celui qui ne l’est pas. Si une entreprise offre un cadeau à un élu, à partir de quel montant est-ce un délit de l’accepter ? Un mug publicitaire ? Un repas ? Un voyage ?

cadeau

Les pots-de-vin peuvent trouver leur source dans le lobbying. Mais celui-ci est autorisé et diversement encadré selon les pays.

 

Le lobbying

Le lobbying est non seulement permis mais aussi reconnu par la loi. Un lobby, ou groupe d’influence, est un groupe de personnes chargées d’influencer le pouvoir, soit directement soit par le biais d’experts. Il en existe deux types, selon que ces groupes ont ou non un intérêt financier à diffuser leurs points de vue.

Les secteurs économiques sont d’autant plus représentés qu’ils sont puissants et organisés : laboratoires pharmaceutiques, énergie, banques, automobile…

Les associations exercent des pressions à des fins non lucratives pour préserver la liberté de leurs adhérents (chasseurs, automobilistes…) mais parfois, des intérêts économiques rejoignent le souhait d’une partie de la population (lobby des armes aux États-Unis, par exemple). Enfin, le lobbying peut s’exercer de façon totalement altruiste (défense des animaux, de minorités…).

On peut estimer que les groupes d'influence sont un atout pour la démocratie puisqu’ils permettent d’informer les décideurs. D’un autre côté, si certains intérêts particuliers remontent plus facilement aux oreilles du pouvoir que ne le fait l’expression de la majorité, alors la démocratie est en danger. Tout dépend de la capacité des décideurs à recevoir des informations sans pour autant se laisser entraîner sur des chemins contraires à l’intérêt général.

 

Le contrôle interne

Toutefois, le contrôle qui s’exerce le plus efficacement sur les pouvoirs publics est tout simplement celui qu’ils ont eux-mêmes mis en place.

Ainsi, toute organisation publique s’impose un règlement qui traduit concrètement un code de déontologie. Elle impose aussi un reporting, un contrôle de gestion et souvent un audit interne régulier. Par exemple, vous trouverez sur ce site la procédure de contrôle de la masse salariale d’une organisation publique par une commission interministérielle.

Certains organismes publics ont d’ailleurs pour mission d’en contrôler d’autres. C’est le cas notamment de l’IGPN, la « police des polices ». Mais place à la « reine » des administrations de contrôle : la Cour des comptes.

 

La Cour des comptes

En France, « la Cour des comptes est l’institution supérieure de contrôle chargée de vérifier l’emploi des fonds publics et de sanctionner les manquements à leur bon usage. La Cour, les chambres régionales et territoriales des comptes (CRTC) et la Cour de discipline budgétaire et financière (CDBF) forment les juridictions financières. » (source : site web de la Cour des comptes)

https://www.ccomptes.fr/fr

Cette vénérable institution fut créée par décret impérial en 1807 (le timbre ci-dessous, au graphisme quelque peu brouillon, en commémore le cent-cinquantième anniversaire). Elle emménagea dans ses locaux actuels de la rue Cambon en 1912.

cour des comptes

Malgré l’intitulé de « cour », elle n’est pas véritablement une juridiction et sa fonction est essentiellement disciplinaire. Ses missions sont les suivantes :

  • Juger : en vérifiant la comptabilité publique, elle tient un peu le rôle qu’ont les commissaires aux comptes pour les sociétés privées mais en allant plus loin que la vérification et la validation des comptes puisqu’elle a le pouvoir de juger et condamner les comptables publics.

  • Contrôler : la cour contrôle la gestion de tout organisme utilisant l’argent public (y compris les cliniques privées), même sous forme de dons (voir les stratégies des associations). Puis elle leur adresse ses observations, ainsi qu’à leurs autorités de tutelle. Chaque année, le rapport public de la Cour des comptes met en lumière quelques gabegies qui font la une de la presse… avant de retourner dans l’ombre (rapport volumineux que vous pouvez télécharger depuis le site ccomptes.fr).

  • Certifier : les comptes de l’État et de la sécurité sociale sont certifiés chaque année, ainsi que ceux des deux assemblées du Parlement.

  • Évaluer : la cour assiste l’exécutif et le législatif pour évaluer les effets d’une mesure politique.

 

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