SME et euro
Bref historique ayant conduit à la création de l’euro, suivi de quelques avantages et inconvénients liés à l’union économique et monétaire.
Avant 1979
Mal anticipées, les conséquences monétaires de la guerre de 14-18 furent désastreuses.
Ne voulant pas réitérer les mêmes erreurs, des délégations de 44 nations alliées se réunirent avant même la fin de la seconde guerre mondiale dans le but d’organiser un nouveau système monétaire international (SMI).
En 1944 furent signés les accords de Bretton Woods (New Hampshire). Contre l’avis de J. M. Keynes qui préconisait la création d’une devise-étalon internationale, le bancor, c’est le dollar américain qui devint la monnaie pivot, seule convertible en or (les quelques autres monnaies convertibles n’avaient pas résisté aux conséquences de la crise de 1929).
Ce SMI fut donc un système d’étalon de change-or (gold exchange standard) : chaque devise s’était vue attribuer une parité de \(\pm 1\%\) avec le dollar et les États-Unis s’engageaient à échanger des dollars en or à qui le réclamait. Cependant, des dévaluations restaient possibles en cas de déséquilibre sévère.
Ainsi disparaissait le flottement des monnaies qui fut l’une des causes de l’hyperinflation allemande.
Le FMI et la BIRD, ancêtre de la Banque mondiale, naquirent également des accords de Bretton Woods.
Jusqu’à la fin des années 60, le SMI assura la stabilité monétaire d’une bonne partie de la planète.
Il se fissura en 1968. Les banques centrales qui intervenaient pour maintenir la parité ne purent faire face à la demande privée d’or, au risque d’épuiser leurs réserves. Surtout, le système n’était pas viable car les États-Unis avaient ce pouvoir exorbitant de créer de la monnaie pour payer leurs importations et devaient même entretenir une balance des paiements déficitaire afin que le reste du monde dispose de la monnaie internationale. La fiabilité du dollar devenait incertaine.
Après deux dévaluations et une demande de l’Allemagne de convertir en or ses réserves en dollars, le président Nixon décida unilatéralement de rompre les accords. Néanmoins, la monnaie américaine conserva son rôle de monnaie internationale.
En Europe, l’idée d’une monnaie commune était déjà évoquée mais la fin du système issu de Bretton Woods conduisit huit pays européens à une solution moins audacieuse : le serpent monétaire.
Initialement, le principe consistait à ne pas laisser fluctuer les monnaies européennes au-delà de \(\pm 4,5\%\) autour du dollar. Donc de \(9\%\) entre elles ! Aberrant.
En 1972, la limite fut ramenée à \(\pm 2,25\%\) entre elles. Ce système fonctionna mal. Les monnaies faibles (livre sterling, lire italienne, franc français) sortirent du serpent qui, dès lors, n’était plus qu’un mécanisme de change entre les quelques monnaies fortes au premier rang desquelles le deutschemark.
La principale cause de cet échec fut une coordination trop faible des politiques économiques.
Le SME
Les autorités européennes en tirèrent les leçons et accouchèrent en 1979 d’un nouveau système monétaire européen (SME). Ses objectifs : stabiliser les taux de change entre monnaies européennes, réduire l’inflation et, à terme, préparer le terrain à la monnaie unique.
Le SME reposait sur trois piliers.
- L’institution de l’ECU, panier de monnaies européennes dont les pondérations étaient liées au PIB et aux échanges commerciaux des pays membres.
1 ECU = 0,828 DM + 1,15 FF + 0,088 £…
Comme le serpent, l’ECU limitait les fluctuations des taux de change. Il eut d’autres rôles, notamment celui de moyen de règlement entre banques centrales. - Un mécanisme de crédit : le FECOM (fonds européen de coopération monétaire, qui existait déjà en 1973) centralisait des réserves de change pour aider les pays en difficulté en leur octroyant des crédits.
- Le mécanisme de change européen (MCE) était un système de coopération entre banques centrales, activé lorsqu’une monnaie risquait de trop s’éloigner de sa valeur de référence (l’ECU).
Le SME a plutôt bien réussi à stabiliser les taux de change et à contenir l’inflation. Mais ce système était vicié. Notamment, l’économie française était relativement peu compétitive ; or, les dévaluations étant freinées, la production dut être ralentie pour ne pas accroître le déficit de la balance commerciale. Au contraire, le deutschemark étant devenu de facto le pivot des autres monnaies, l’Allemagne put se focaliser sur des objectifs de l’économie réelle (croissance, inflation…) plutôt que sur le taux de change. Par ailleurs, la liberté de circulation des capitaux, engagée par l’acte unique de 1986 dans le dessein de la monnaie unique, précipita la fin du SME en ouvrant la porte aux spéculations contre les devises faibles.
En 1995, cette monnaie unique allait recevoir le nom d’euro.
L’euro
La mise en œuvre d’une monnaie unique suppose que des conditions soient réunies.
Les étapes de l’union économique et monétaire (UEM) furent actées par le traité de Maastricht en 1992.
Les principes étaient les suivants :
- Fixité des taux de change avec la monnaie unique (effective au 1er janvier 1999).
- Coordination des politiques économiques, pour ne pas refaire les erreurs du passé.
- Création de la BCE (Banque Centrale Européenne) en 1998, indépendante du pouvoir politique. Sa mission est la lutte contre l’inflation.
L’UEM supposait une relative homogénéité des performances économiques. Aussi, cinq critères de convergence ont été décidées pour prétendre passer d’une monnaie nationale à l’euro.
- L’inflation ne devait pas dépasser de 1,5 point la moyenne des trois pays les moins inflationnistes.
- La dette publique ne devait pas dépasser \(60\%\) du PIB.
- Le déficit public ne devait pas dépasser \(3\%\) du PIB.
- Aucune dévaluation ne devait avoir lieu au cours des deux années précédentes.
- Les taux d’intérêt à long terme ne devaient pas dépasser de deux points le taux de la moyenne des trois pays ayant les taux les plus bas.
Une fois acceptés dans la zone euro, les pays devaient poursuivre leurs efforts pour maintenir un déficit budgétaire inférieure à \(3\%\) du PIB et une dette publique inférieure à \(60\%\) afin que l’euro reste une monnaie forte. Ces règles initiales du pacte de stabilité et de croissance ont parfois été assouplies, notamment lors de la pandémie de Covid. Elles restent aujourd’hui d’actualité mais ne sont pas toujours respectées, loin de là !
Le passage à l’euro se fit en plusieurs temps : en janvier 1999 sur les marchés financiers (actions cotées en euros…) puis en janvier 2002 dans les porte-monnaie. Six mois plus tard, les monnaies nationales ne circulaient plus.
Avantages et inconvénients
Les avantages attendus étaient les suivants :
- Disparition des coûts de change. Pour les entreprises, l’intérêt est double : outre l’absence de coûts de conversion (frais bancaires) également prisée par les particuliers, il faut mentionner l’inutilité des frais de couverture des fluctuations de change.
- Échanges favorisés, d’où un impact positif sur le PIB.
- Marché « intérieur » plus vaste, propice à la concurrence entre les entreprises et entre les banques.
- Comparaison des prix facilitée.
- Baisse des taux d’intérêt en raison de la stabilité des prix escomptée et des contraintes liées à l’équilibre budgétaire.
Mentionnons aussi quelques inconvénients.
- À l’origine, coûts liés à l’adaptation à la nouvelle monnaie (modifications de programmes informatiques, renégociation de contrats…).
- Moins de marge de manœuvre pour les politiques économiques nationales.
- Impossibilité de jouer sur le taux de change si un choc économique touche un ou quelques pays de la zone euro.
D’autres inconvénients ne sont pas directement liés à l’euro mais à la BCE.
- Absence de démocratie puisque la direction de la BCE n’est pas élue.
- Pas de prêteur en dernier ressort pour les États qui doivent désormais se financer sur les marchés alors qu'auparavant, les banques centrales nationales pouvaient leur prêter, même gratuitement.
- Mission de la BCE limitée à la stabilité des prix et non à la croissance.