Indices de Paasche et de Laspeyres
Alors qu’un indice simple permet de constater une évolution univariée dans le temps, un indice composite agrège des informations de deux types. Dans le champ économique : prix et quantités.
Nous n’évoquerons pas les indices boursiers qui synthétisent les cours d’actions parfois très nombreuses mais ceux qui permettent de mesurer l'inflation ou, plus généralement, la variation de prix d'un panier (échantillon représentatif d'articles).
Problématique
Comment pondérer les prix de plusieurs biens et services ? Il est bien évident que celui du super 98 est plus important que celui des épinards en branche… Sauf pour ceux qui ne roulent pas au super.
Parce que bien sûr, les indices publiés par l'INSEE se rapportent à des ménages représentatifs. Supposons un passionné de photos qui dépensait une bonne partie de son budget à les faire développer du temps de l’argentique. Le passage au numérique lui a permis de réaliser de très grosses économies qui ont pu compenser la hausse des prix d'autres articles. Cet exemple rappelle d’une part qu’un indice représente presque toujours une moyenne fictive et d’autre part que les proportions des différents postes d’un budget évoluent.
Une fois rappelée cette évidence, précisons qu'un indice synthétique permet de mesurer une évolution de prix mais aussi de quantités, par exemple des agrégats de productions ou d'importations en volume.
Plusieurs indices sont établis au niveau d'une économie nationale. Mais il n'est pas insurmontable d'écrire un petit programme pour une entreprise qui souhaite suivre ses propres indices, composés de ses achats les plus courants.
Pour ce faire, ouvrons le capot de cette mystérieuse machine.
Lorsqu’on affecte les prix de la période 0 par les quantités de la même période, puis les prix de la période 1 par ceux de la période 1, on obtient une double évolution, des prix et des quantités « mélangés ». C’est un indice de dépense, parfois appelé indice de la valeur, dont on ne peut se satisfaire pour observer la seule évolution des prix (ou des quantités).
Le choix de construction d’un indice est cornélien : doit-on effectuer une moyenne d’indices simples puis considérer l’évolution de cette moyenne comme un indice ou au contraire calculer toutes les évolutions d’indices simples puis en faire la moyenne ? Car les résultats seront différents… Et comble de malchance, l’une des deux solutions n’est pas meilleure que l’autre.
Ce ne sont pas les pondérations qui provoquent cette différence mais le mode de calcul lui-même. Voici l’exemple d’un panier de ménagère où tous les articles sont également pondérés. L’indice des moyennes de prix apparaît en rouge et la moyenne d’indices en vert.
Par exemple, \(\frac{33}{32} \times 100 = 103,125.\)
L’indice de moyennes arithmétiques, en rouge, bénéficie de toutes les vertus d’un bon indice, notamment la circularité et la réversibilité (voir les indices simples). Toutefois, si une modification intervient dans les proportions, elle passe inaperçue alors qu’il est toujours possible d’en tenir compte si l'on calcule une moyenne d’indices…
Du coup, on choisit plutôt cette dernière. Pour que les conditions de réversibilité et de circularité soient satisfaites, il faut en toute rigueur employer la moyenne géométrique. Pourtant, elle est boudée dans les calculs d’indice les plus courants.
L’indice de Paasche
Proposé par l’économiste allemand Hermann Paasche (1851-1925), c’est la moyenne harmonique des indices de prix pondérés par les quantités de la période actuelle. De même, un indice des quantités de Paasche est pondéré par les prix actuels.
\(\displaystyle{P_{t/0} = \frac{\sum{P_tQ_t}}{\sum{P_0Q_t}} \times 100}\) et \(\displaystyle{Q_{t/0} = \frac{\sum{P_tQ_t}}{\sum{P_tQ_0}} \times 100}\)
L’indice des prix se heurte à une grosse difficulté pratique : celle de connaître à tout moment les quantités pour pondérer les prix. Ces coefficients de pondération se nomment coefficients budgétaires.
Cette démarche peut être tentée par un ménage qui vient de faire ses courses, ou même par une PME, mais elle s'avère très coûteuse au niveau d'un pays.
On lui préfère pour cette raison un autre indice, celui de Laspeyres.
L’indice de Laspeyres
En 1871, Étienne Laspeyres, allemand lui aussi, avait proposé un autre calcul d’indice synthétique. Il s’agit d’une moyenne arithmétique des indices des prix pondérés par les coefficients budgétaires de la période de base. De même, il existe un indice des quantités. Ces moyennes sont pondérées par les prix de la période de départ.
\(\displaystyle{P_{t/0} = \frac{\sum{P_tQ_0}}{\sum{P_0Q_0}} \times 100}\) et \(\displaystyle{Q_{t/0} = \frac{\sum{P_0Q_t}}{\sum{P_0Q_0}} \times 100}\)
Par construction, l’indice de Laspeyres présente une progression plus rapide que celui de son confrère Paasche, une moyenne arithmétique étant supérieure ou égale à une moyenne harmonique.
Une explication plus concrète est qu'une pondération des prix d'aujourd'hui par des quantités d'une période précédente mésestime l'élasticité-prix. En effet, si le prix d'un article augmente, il est tout à fait possible que sa quantité diminue en raison de la loi de l'offre et de la demande. Comme l'indice de Laspeyres considère les volumes inchangés, il majore la pondération de cet article.
La plupart des pays utilisent l'indice de Laspeyres pour évaluer leur inflation. Il n'est pas forcement le plus juste, mais il est le plus pratique. Toutefois, il n'est pas employé en l'état mais sous forme d'indice-chaîne : la composition du panier est périodiquement modifiée et cette nouvelle composition sert à son tour de base aux calculs ultérieurs.
Note : l'indice de dépense est le produit de celui de Paasche des prix par celui de Laspeyres des quantités, ou celui de Paasche des quantité par celui de Laspeyres des prix. En pratique, cette propriété est très utile.
L’indice de Fischer
L'indice de Fisher est la moyenne géométrique des indices de Paasche et de Laspeyres. Comme il nécessite les mêmes contraintes que celui de Paasche, il est très peu usité. Il ne satisfait pas la condition de circularité mais celle de réversibilité.
La moyenne arithmétique des deux indices est celui de Sidgwick. Pas très difficile de laisser son nom à la postérité... Vous aussi, vous avez dû y penser !
Exemple de calculs
Voir l'exemple de calcul d'indices composites.