Mutations technologiques et sociales
Les mutations : notre époque en connaît tant qu’il serait difficile d’en faire la liste !
Le terme vient du latin mutare qui signifie « changer ». Ce peut être une modification génétique, un changement de poste dans une organisation ou encore, comme nous le verrons, des mutations économiques et sociales.
On parle aussi de révolution pour caractériser ces périodes où techniques et société ont été structurellement modifiées. Ainsi la révolution néolithique définit-elle à la fois l’essor de l’agriculture et la sédentarisation. La révolution industrielle s’est traduite quant à elle par la production de masse mais aussi par l’explosion du salariat et par l’exode rural. Aujourd’hui, la révolution numérique s’accompagne elle aussi d’évolutions sociales profondes. Mais une révolution sociale n’est pas la conséquence d’une révolution technologique, pas plus que l’inverse. Peu importe de savoir si c’est l’œuf qui fait la poule ou si c’est la poule qui fait l’œuf, les deux sont exacts.
Mutations technologiques
Depuis ces dernières décennies, la quasi-totalité du bouleversement technologique tient en un mot : le numérique (ou, sans traduction de l’anglais, le digital).
Le numérique est la représentation de grandeurs physiques (sons, couleurs, température…) et autres informations sous forme codée. Ainsi, les appareils numériques s’opposent aux analogiques qui traduisent une grandeur par une autre (par exemple la forme du sillon d’un disque vinyle est analogue à un signal électrique). Le digital englobe l’informatique, Internet, les télécommunications…
Depuis les années 50, la quantité de données numérisées augmente de façon continue et même exponentielle. Les capacités de traitement et la miniaturisation des outils ne sont pas en reste. Ce que l’on appelle la « révolution numérique » a entraîné des progrès technologiques énormes dans tous les domaines, de l’agriculture à la médecine, en passant bien-sûr par l’industrie.
Ainsi de nouveaux secteurs économiques, directement liés au numérique, sont apparus (informatique, jeux vidéo, domotique…). D’autres se sont greffés sur des activités existantes tout en différant fortement de leur forme traditionnelle (e-commerce…) ou ont fait évoluer leurs produits en intégrant les progrès liés au numérique (finance, automobile, aéronautique…). La plupart se sont appuyés sur les réseaux et sur l’informatique soit pour faciliter l’organisation du travail, soit pour produire davantage (artisanat, hôtellerie, agriculture…).
Transformations numériques
On appelle transformations numériques les changements induits par le digital dans les activités d’une organisation. Étudions leurs impacts auprès des diverses parties prenantes (salariés, clients…).
Certains outils font partie du quotidien depuis tant d’années que la mutation qu’ils ont apportée sur la façon de travailler appartient déjà au passé : les e-mails, la messagerie, la consultation du web… Nous ne nous attarderons pas dessus.
D’autres n’ont pas encore affecté toutes les organisations, en particulier les plus petites. Ainsi en est-il du travail collaboratif, réalisation de projets en réseau non soumis à une hiérarchie verticale. Cette façon de travailler en équipe est permis par les TIC (documents partagés modifiables par tous, téléconférences, agendas partagés, etc.).
Les relations avec les clients, les fournisseurs et les banques sont également facilitées. Par exemple, un particulier peut réserver par Internet ses vacances ou les courses qu’il retirera au drive, faire développer ses photos, remplir un formulaire administratif, etc.
Comme les réseaux sociaux sont devenus l’un des principaux vecteurs d’information, l’e-réputation est à présent au cœur des stratégies de communication externe.
La fragilité d’une réputation fait partie des problèmes liés au numérique puisque les rumeurs se propagent sur les réseaux sociaux à une vitesse supersonique. La cybercriminalité est un autre risque aujourd’hui très présent et souvent sous-estimé.
Certaines prouesses technologiques actuelles laissent penser que la révolution numérique ne fait que commencer. Les données continuent de s’accumuler, fournissant le matériau au développement de l’intelligence artificielle (IA). En effet, l’une des composantes de l’IA est le machine learning, c’est-à-dire la faculté d’un logiciel à apprendre à partir de très nombreuses données et non à appliquer un modèle mathématique élaboré par des humains. D’autres progrès inouïs sont déjà sur les rails : calculateurs quantiques, interfaces cerveau-machine, révolution génétique…
Mutations écologiques
La société de consommation, née de la révolution industrielle, a certes profondément modifié les comportements humains mais a surtout été catastrophique pour la planète : disparition d’espèces animales, végétales et d’écosystèmes, appauvrissement des sols, réchauffement climatique, pollution des océans… Les humains semblent pressés de détruire la Terre avec la même avidité que des pucerons prélevant toute la sève des plantes sur lesquelles ils vivent, causant leur mort et finalement la leur.
Pour ne prendre qu’un exemple, le réchauffement climatique s’est emballé à partir des années 1930 mais il avait commencé bien avant. À Chamonix, la Mer de Glace avait déjà perdu 120 m d’épaisseur (entre 1905 et 2005) avant que le grand public se préoccupe enfin de l’évolution du climat.
Pour y faire face, les dirigeants de nombreux pays ont pris des engagements, plus ou moins respectés, pour réduire les émissions de CO2, notamment lors de la COP21 en 2015. Par ailleurs, des lois visent à limiter la consommation de matières plastiques particulièrement polluantes (interdiction d’objets à usage unique…), des incitations fiscales facilitent les travaux permettant d’isoler les habitations…
Si l’arsenal législatif se développe un peu partout et se montre contraignant pour les entreprises, il reste très insuffisant pour enrayer le mouvement. Aussi de nombreux entrepreneurs s’émeuvent-ils de la situation et s’évertuent à trouver des solutions, souvent dérisoires face à l’ampleur de destructions irrémédiables, mais qui ont le mérite d’infléchir certains comportements suicidaires. Le secteur du recyclage est en pleine expansion, des procédés nouveaux permettent d’économiser les énergies fossiles, etc. Un exemple parmi des milliers : comme un kg de cheveux peut retenir jusqu’à huit litres de carburant, certains salons de coiffure offrent des stocks de cheveux à des associations qui confectionnent des boudins visant à contenir les marées noires.
On le voit, les évolutions de comportement ne sont pas tous liées à la révolution numérique. Certaines sont les conséquences tardives de la révolution industrielle !
La responsabilité sociétale des entreprises (RSE) est le rôle que jouent les entrepreneurs qui n’ont plus comme unique objectif le profit. Elle intègre la dimension écologique mais aussi sociale.
Mutations sociales
La période contemporaine se caractérise par un individualisme de plus en plus prononcé et par un rôle croissant des lobbies.
Le terme « individualisme » n’est pas péjoratif. Les valeurs de l’individu ou d’une catégorie prédominent désormais sur ceux du groupe. Les entreprises intègrent ce déplacement dans deux directions : celle du consommateur et celle du salarié.
Pour le consommateur, le changement a été radical puisqu’on est passé d’une économie de l’offre à une économie de la demande. En 1914, Henry Ford déclarait « le client peut choisir la couleur de sa voiture, pourvu que ce soit noir ». Mais dès les années 80, les options étaient déjà si nombreuses que les voitures étaient à la fois de série et sur-mesure !
Avec l’avènement du numérique, le consommateur est réellement devenu un individu. En d’autres termes, le marketing s’est focalisé sur un ciblage plus fin. À la fin du siècle dernier, l’informatique a « démocratisé » l’analyse de données (techniques statistiques permettant par exemple de distinguer les profils de clientèles). Puis les moteurs de recherche et les réseaux sociaux ont permis de cerner les individualités et donc d’orienter les publicités vers les personnes visées.
Le progrès de la technologie et l’individualisme sont très bien résumés par le smartphone (un écran par personne, contrairement à la télévision).
La prise en compte du salarié en tant qu’individu se traduit par des conditions de travail et une gestion de carrière adaptées. Le contenu d’une formation qui n’est pas utilisable pour l’entreprise mais qui répond à des besoins du salarié peut permettre de le fidéliser.
Surtout, les salariés sont de plus en plus réticents à l’acceptation d’une soumission à la hiérarchie (voir la gouvernance). Là aussi, certaines évolutions ont été rendues possibles par le numérique, notamment le télétravail et le travail collaboratif.