La base et la dimension d'un espace vectoriel

Base, base canonique et dimension

Chacun sait ce qu’est une dimension. Ainsi, un dessin ou un film en 3D montre l’illusion de la profondeur. Les data scientists voient les choses en plus grand : ils travaillent sans sourciller avec des centaines de dimensions. Leur secret ? L’algèbre linéaire, dont les propriétés fondent la plupart des techniques d’analyse des données.

Pour étudier la notion mathématique de dimension, il peut être utile d’évoquer celle de base d’un espace vectoriel. Grâce à elle, nous pourrons effectuer des calculs dans un espace vectoriel (chic !).

 

Base d’un espace vectoriel

Élargissons la notion de base telle qu'elle est enseignée dans le secondaire, c'est-à-dire dans le plan (Cf. la décomposition d'un vecteur dans le plan).

Une famille de \(n\) vecteurs est une base de l’espace vectoriel \(E\) si elle est libre et si elle engendre \(E\). Soit \(p\) vecteurs de \(E\) : \(v_1, v_2,... v_p.\) Si deux des trois propriétés suivantes sont vérifiées, alors la troisième l'est aussi:

  • \(p=n\)

  • \(v_1, v_2,... v_p \) sont indépendants

  • \(v_1, v_2,... v_p \) engendrent \(E.\)

Il s'ensuit que tout vecteur de \(E\) s’écrit d’une seule façon, celle d'une combinaison linéaire de scalaires qui multiplient les vecteurs de la base.

Réciproquement, on peut dire qu'un ensemble \(B\) de vecteurs de \(E\) est une base de celui-ci si tout vecteur de \(E\) s'écrit de façon unique comme combinaison linéaire des vecteurs de \(B.\)

Un exemple très simple est donné par les vecteurs \(i(1\,;0)\) et \(j(0\,;1)\) qui constituent une base de \(\mathbb{R}^2\). Ils sont suffisants pour définir n’importe quel vecteur du plan \(\mathbb{R}^2\). Cette base est dite canonique et elle est la plus pratique de toutes pour engendrer \(\mathbb{R}^2\). Les \(k\) vecteurs engendrant une base canonique sont composés de 0 (au nombre de \(k - 1\)) et d'un seul 1, évidemment jamais à la même place. Les scalaires utilisés dans la combinaison linéaire d'un vecteur quelconque sont donc tout simplement les coordonnées (ou composantes) du vecteur ou du point. On les écrit en ligne ou en colonne.

Par exemple, le vecteur \(u = 3i + 7j\) s'écrit \(\left( {\begin{array}{*{20}{c}} 3\\ 7 \end{array}} \right)\) ou \((3 \,;7)\).

Cependant, la base canonique n'est pas la seule base possible, loin de là (on peut en créer une infinité).

Ainsi \(B = \{(-1\;2), (4\,;3)\} est une base de \(\mathbb{R}^2 puisque les coordonnées des vecteurs ne sont pas proportionnelles.

Un autre exemple simple de choix d'une base est celui d'un indice base 100 qui modifie une famille de vecteurs sur \(\mathbb{R}\) ou tout autre ensemble numérique (c'est-à-dire une suite de nombres) grâce à une multiplication par un scalaire (obtenu par une banale règle de trois). En pratique, il est fréquent d'opérer un changement de base grâce au calcul matriciel, lorsqu'une application linéaire se révèle beaucoup plus simple à travailler que dans la base canonique.

Remarque : soit \(B\) une base de \(E\) composée de \(n\) éléments et \(F\) un sous-espace vectoriel (s.e.v) de \(E\) engendré par \(p\) vecteurs de \(B\) (avec \(p<n\)). Soit \(F'\) le s.e.v engendré par les \(n-p\) autres vecteurs. Dans ce cas, \(F\) et \(F'\) sont des s.e.v supplémentaires de \(E.\)

 

Dimension

Les différentes bases d’un espace vectoriel ont toujours le même nombre d'éléments. Ce nombre est appelé dimension de cet espace.

Ainsi la dimension de \(\mathbb{R}^n\) est \(n\). Si \(n = 1\), l'espace vectoriel est une droite numérique, si \(n = 2\), c'est un plan normé, si \(n = 3\) c'est un espace et si \(n > 3\), c'est un espace à \(n\) dimensions.

Par convention, la dimension d'une base composée du seul vecteur nul est zéro.

Supposons que nous nous situons dans \(\mathbb{R}^5\). Soit le vecteur \(u\) :

\(u = 3i + 2j - k + 0,5l - 4m\)

Dans la base canonique, on lui associe la matrice colonne suivante :

\(U = \left( \begin{array}{r} 3\\ 2\\ - 1\\ 0,5\\ - 4 \end{array} \right)\)

dimensions

Vous l'avez déduit de ce qui précède, dans un espace vectoriel de dimension \(n,\) plus de \(n\) vecteurs sont forcément dépendants.

 

Le théorème de la base incomplète

Soit \(n\) la dimension d’un espace vectoriel \(E\) et une famille libre de \(p\) vecteurs de \(E\) (\(p\) étant plus petit que \(n\)). On peut ajouter \(n - p\) vecteurs de façon à obtenir une base de \(E\). C'est d'ailleurs suffisamment intuitif pour être deviné.

Par exemple, dans \(\mathbb{R}^3\), on dispose de deux vecteurs \(u = (0\,;2\, ; 3)\) et \(v =(1\, ; -1\, ;2)\). C'est bien sûr insuffisant pour définir une base. Il en manque un troisième, non colinéaire à \(u\) et \(v\).

 

Le rang

Le nombre maximum de vecteurs linéairement indépendants est appelé le rang.

Le rang d'un ensemble de \(p\) vecteurs est donc inférieur ou égal à la dimension \(n\) de \(E.\) S'il est égal, cet ensemble est un système générateur de \(E.\)

Le rang d’un système de vecteurs reste le même lorsqu’on remplace un vecteur par une combinaison linéaire de ce dernier avec un autre vecteur du système. En utilisant cette propriété, on peut déterminer un rang à la main, par exemple en utilisant le pivot de Gauss (pas trop élevé quand même !). Voir le rang d'une matrice. Idem si l'on ajoute un vecteur qui est combinaison linéaire des autres.

La dimension du sous-ensemble des images d'une base est, par définition, égale au rang de l'application.

Par ailleurs, le rang d'une composée de plusieurs applications linéaires est inférieur ou égal au plus petit de leurs rangs (voir page rang et noyau).

 

Exercice

Cet exercice est extrait de l'épreuve du concours EDHEC de 2005.

    On note \(J_1 = \left( {\begin{array}{*{20}{c}} 1&0\\ 0&0\end{array}} \right),\) \(J_2 = \left( {\begin{array}{*{20}{c}} 0 &1\\ 0&0\end{array}} \right),\) \(J_3 = \left( {\begin{array}{*{20}{c}}0&0\\ 1&0\end{array}} \right)\) et \(J_4 = \left( {\begin{array}{*{20}{c}} 0 &0\\ 0&1\end{array}} \right)\) et on rappelle que la famille \((J_1, J_2, J_3, J_4)\) est une base de \(\rm{M}_2(\mathbb{R}).\)
    Montrer que \((J_1-J_4,J_2,J_3,I)\) est une base de \(\rm{M}_2(\mathbb{R}).\)

Corrigé

Comme \(\rm{M}_2(\mathbb{R})\) est de dimension 4, il est inutile de montrer que cette famille est génératrice. Nous nous contenterons de montrer qu'elle est libre (voir plus haut les deux conditions à remplir sur trois). La procédure la plus habituelle consiste à considérer une combinaison linéaire nulle de ces matrices et à montrer que les scalaires sont nuls.

Rappelons que \(I\) est la matrice identité et remarquons que celle-ci s'obtient par \(J_1 + J_4.\)

Posons \(a(J_1-J_4) + bJ_2 + cJ_3 + d(J_1+ J_4)\) \(=\) \(0\)

\(\Leftrightarrow (a+d)J_1 + bJ_2 + cJ_3 + (d-a)J_4\) \(=\) \(0\)

\(\left\{ {\begin{array}{*{20}{c}} {a + d = 0}\\ {b = 0} \\ {c = 0} \\ {d-a = 0}\end{array}} \right.\)

Nous déduisons de la dernière équation que \(d = a\) et par conséquent \(a = b = c = d = 0.\)

\((J_1-J_4,J_2,J_3,I)\) est une base de \(\rm{M}_2(\mathbb{R}).\)

 

soldats vectoriels (!)