Score d'acceptation pour particuliers
Passera ? Passera pas ?
Face à une concessionnaire inquisitrice, Cendrillon et le Prince Charmant répondent aux questions un peu indiscrètes qui leur sont posées. Dans quel dessein ? Pour s’acheter à crédit le carrosse qui vient de sortir, avec rideaux électriques et autoradio plaqué or… Perplexe devant son écran d’ordinateur, la concessionnaire lâche : « Votre profession ? – Prince charmant. – Ils n’ont pas prévu ça dans leurs modalités, je vais indiquer "inactifs et autres" »…
Processus
Cet exemple est celui d’un jeune couple qui souhaite obtenir un crédit affecté à la consommation et dont le dossier est en train d’être « scoré ». Lorsqu’un établissement de crédit doit décider s’il accepte ou non de prêter à un particulier qui n’est pas encore client, il ne dispose d’aucune donnée comportementale. Les informations sont déclaratives et prennent la forme de variables quantitatives (rémunération mensuelle, anciennetés à la même banque, au même logement et chez le même employeur, âge) et qualitatives (situation familiale, code PCS, type de logement). A ces informations s’ajoutent celles qui concernent le contrat en lui-même (durée, type de bien, taux d’apport).
En fonction de ces informations, le risque lié au dossier (et non au client) sera évalué sur une échelle. Cette échelle peut par exemple être graduée de 0 à 1000 et être constituée de trois zones, rouge, orange et verte qui correspondent à des plages de notes. Ces zones indiquent au commercial s’il peut accepter le crédit, s’il est plus sûr de le refuser ou si, solution intermédiaire, il doit demander certaines garanties. Le taux du crédit peut également inclure une prime de risque supplémentaire.
L’échelle de risque est déterminée à partir d’une grille de score. En principe, cette grille n’est pas donnée au commercial dont les objectifs sont souvent liés à un chiffre d’affaires et qui n’a pas intérêt à refuser du monde… Il est en effet évident que ce n’est pas une fois les crédits terminés qu’il recevra sa rémunération variable et il ne sera pas spécialement ravi de dépenser de l’énergie pour convaincre un client dont la demande se révélera, ô mauvaise surprise, « rouge ». Dans ces conditions, les critères de rémunération des commerciaux doivent être particulièrement bien pensés pour être justes : « l’arrangement » de certaines informations pour faire accepter un crédit n’a pas seulement des répercussions sur le dossier en question mais aussi sur la qualité des données qui serviront à l’établissement des futures grilles de score…
Aspects techniques
Les grilles peuvent être achetées déjà construites, ce qui est pratique ; mais il sera nécessaire de se procurer de nouvelles versions quelques années plus tard. Pour des raisons économiques, sociologiques et tarifaires, il faut savoir que la durée de vie d’une grille de score d’octroi n’excède pas trois ou quatre ans.
Si vous souhaitez établir les grilles en interne, les deux techniques les plus utilisées sont l'analyse discriminante prédictive et la régression logistique.
La démarche se décompose en six étapes :
1- Le choix des variables. Les variables et leur distribution orientent le data analyst sur une méthode d’analyse.
2 - Le redressement de l’échantillon : prendre en compte les refusés afin que la grille s’applique à la population des demandeurs et non à celle des clients. En principe, on complète ce redressement par un échantillonnage aléatoire, au moins sur les bons dossiers, afin de travailler sur un même nombre de dossiers à rejeter et à accepter.
3 - Une phase d’apprentissage, sur l’échantillon redressé, afin de déterminer les paramètres candidats.
4 - Facultatif : les tests sur un autre échantillon afin de déterminer le modèle le plus robuste si l’on hésite entre plusieurs solutions.
5 - Une phase de validation, sur un autre échantillon, qui donne une mesure de la performance de la grille. On utilise alors des outils tels la courbe ROC ou l’indice de Gini.
6 - Le choix de la limite entre acceptés et refusés, avec éventuellement une zone intermédiaire. L’analyse statistique fournit une limite qui, selon la méthode utilisée, peut tenir compte du coût de mauvais classement ( règle de décision de Bayes, par exemple). Toutefois, une modification exogène est toujours possible, si par exemple une agressivité commerciale est nécessaire pour pénétrer un marché. L’amplitude de la zone intermédiaire relève elle aussi de choix stratégiques.
La grille est ensuite suivie périodiquement afin de s’assurer qu’elle est toujours au top de ses performances. Mais ce contrôle se heurte à un problème méthodologique. En effet, l'intérêt du score étant de sélectionner les dossiers les moins risqués, les grilles suivantes seront établies sur des échantillons de moins en moins représentatifs. L'acceptation peut alors devenir trop sélective et de nombreux bons dossiers feront les beaux jours de la concurrence... Un moyen d'apporter du sang neuf est d'accepter sciemment quelques dossiers douteux.