Création de monnaies et de cryptomonnaies
Autrefois, les choses étaient simples. Enfin, pas tout. Remontons au Moyen Âge (tant qu’à faire…). Le pouvoir politique était seul à faire battre la monnaie. Celle-ci était métallique, du moins en Occident. Bref, c’était simple. Ce qui ne l’était pas, c’est que le pouvoir était si morcelé que n’importe quel seigneur pouvait créer sa propre unité de compte. De plus, le poids de métal précieux pouvait légèrement varier d’une pièce à l’autre. Aujourd’hui, ce qui n’est pas simple, c’est que la création monétaire est multiple, tant par les formes qu’elle prend que par le nombre d’agents créateurs. En fait, les mécanismes de création se sont complexifiés tandis que la circulation des moyens de paiement devenait plus pratique.
Voyons quels sont les principaux mécanismes de création monétaire.
Les crédits accordés par les banques commerciales
Lorsque les choses étaient simples (donc autrefois…), les dépôts faisaient les crédits. En d’autres termes, les banques ne pouvaient prêter que les montants de monnaie métallique qu’elles détenaient. Aujourd’hui, ce sont les crédits qui font les dépôts : lorsque votre banque vous accorde un crédit, elle crée l’argent que vous détenez sur votre compte.
En effet, la création monétaire, c’est-à-dire l’opération qui implique une augmentation de la quantité de monnaie en circulation, provient essentiellement de la monétisation des créances.
Cette monnaie est scripturale, c’est-à-dire qu’elle prend la forme d’un jeu d’écritures comptables (en latin, écrire se dit scribere).
Le dépôt figure au passif du bilan de la banque tandis que la créance est à l’actif. Par exemple, si M. Ladette emprunte 10 000 euros à sa banque, cette dernière inscrit à son passif 10 000 € que M. Ladette est autorisé à retirer, et à son actif 10 000 € qui est une reconnaissance de dette.
On voit bien que cet argent vient de nulle part ; ni d’une épargne, ni de réserves dans les coffres (ou les comptes) de la banque.
Seules les banques détiennent ce pouvoir d’émission, les intermédiaires financiers ne pouvant prêter que ce qu’ils ont en dépôt.
Lorsque le crédit est remboursé, il y a destruction monétaire. Mais pour autant nous ne sommes pas revenus au point de départ puisqu’entretemps le crédit a permis une certaine activité économique. Quant à la banque, elle s’est enrichie des intérêts qui lui ont été versés.
Et là vous pensez que les banques bénéficient d’une situation en or puisqu’elles s’enrichissent grâce à de l’argent qu’elles créent. On a emprisonné des faux-monnayeurs pour moins que ça ! Mais attention, elles ne peuvent pas octroyer des crédits indéfiniment car elles prennent des risques. Bien sûr, c’est le risque de défaut qui vient à l’esprit (non remboursement partiel ou total du crédit) mais il y en a d’autres.
Si une banque accorde un crédit, par exemple un découvert, et que le titulaire du compte retire inopinément cette somme sous forme de billets, il faut que la banque se procure ceux-ci à la banque centrale qui est la seule à les émettre. Surtout, une banque doit respecter certaines règles pour ne pas risquer de faire face à un retrait massif des dépôts qu’elle serait incapable d’honorer. C’est le risque de liquidité, particulièrement grave. Des normes internationales existent pour éviter cette situation (accords de Bâle 3), avec des proportions à respecter entre différents postes du bilan.
La banque court aussi un risque de taux si elle prête à taux fixe et rémunère les dépôts à taux variable, puis que les taux d’intérêt augmentent. Par exemple, elle prête 10 000 € à M. Ladette à un taux fixe de \(5\%\) et, profitant d’une hausse des taux, celui-ci laisse cette somme sur un compte qui lui rapporte \(6\%.\) Ainsi M. Ladette gagne de l’argent grâce à une somme qu’il ne possède même pas, au détriment de la banque.
La contrepartie est le principe fondamental de la création monétaire. Pendant des millénaires cette contrepartie était un métal précieux. Aujourd’hui, ce sont donc, pour l’essentiel, des créances sur l’économie.
Les crédits accordés par la banque centrale
Selon le même principe, la banque centrale crée de la monnaie en accordant des crédits aux banques commerciales (notamment sous forme de réescompte).
Là-dessus, voir les banques centrales.
Le financement du déficit public
Lorsque l’État émet des bons du Trésor, ce n’est pas directement une création monétaire. Lorsque les banques commerciales achètent ces bons elles deviennent créancières sur l’État. Les banques centrales peuvent aussi financer le déficit public de cette manière (du moins hors zone euro car la BCE n’a pas le droit de le faire).
La contrepartie de la création n’est plus une créance sur l’économie mais sur le Trésor public.
Les entrées nettes de devises
Si un pays exporte davantage qu'il n'importe, la banque centrale crée de la monnaie (et elle en détruit dans le cas contraire).
Soit un excédent commercial, qui se traduit par une entrée de devises supérieure aux sorties de monnaie nationale. La banque centrale crée alors une quantité de monnaie égale au solde excédentaire. Ainsi, les agents nationaux détiennent sur leur compte le produit de leurs ventes exprimé dans la monnaie de leur pays.
Ici, la contrepartie de la création monétaire est constituée de créances sur l’étranger.
Les monnaies alternatives
Toutes les monnaies ne sont pas créées par les banques. Il arrive que localement des commerçants conçoivent un moyen de paiement qui n’a aucune valeur légale. Mais tant que la confiance existe, la monnaie circule.
Toutefois, ce sont surtout les cryptomonnaies qui représentent des sommes colossales au niveau mondial. Conçues pour les règlements par Internet, ce ne sont pas les banques qui les créent mais un algorithme. La plus ancienne est le bitcoin (2009).
En fait, elles ne présentent pas toutes les caractéristiques de la monnaie et il est plus juste de parler de crypto-actifs ou de crypto-devises.
Les transactions par cryptomonnaie sont ultra-sécurisées, ce qui demande une énorme puissance de calcul offerte par le pair-à-pair. Ainsi ces transactions sont rassemblées et cryptées dans des blocs, qui se présentent comme de longues suites de caractères issues de calculs complexes. Ces calculs sont effectués et vérifiés par des ordinateurs suffisamment puissants, connectés en permanence et sur lesquels un logiciel de minage a été installé.
Le minage est une opération double : authentification des transactions mais aussi création monétaire (nous y voila).
Alors qui crée la cryptomonnaie ? Les mineurs, c’est-à-dire des particuliers, des entreprises ou des coopératives de mineurs (pools). C’est grâce à eux que le système fonctionne puisqu’il n’y a pas de lieu centralisé pour le cryptage et le décryptage. Ils sont donc récompensés par de la cryptomonnaie, créée par le minage. Mentionnons aussi les cybercriminels qui infectent des ordinateurs avec des chevaux de Troie, ordinateurs qui mineront pour eux sans que leurs propriétaires ne s'en doutent.
Quelle est la quantité de monnaie en circulation ? Attention, il s’agit bien de quantité et non de valeur, toujours sujette à la spéculation. La quantité de chaque cryptomonnaie en circulation est calée sur l’extraction d’une ressource rare. Ainsi l’évolution de la masse monétaire est logarithmique (fonction croissante mais concave, c’est-à-dire une progression de plus en plus faible). Pour générer un tel processus, il faut de plus en plus de puissance de calcul (et beaucoup d’électricité !) pour miner. Ainsi il devient illusoire pour un particulier de vouloir miner avec un simple ordinateur, même doté d’une carte graphique puissante.
Les derniers bitcoins devraient être minés en 2140. Il y en aura alors 21 millions.