La construction d'un questionnaire

Questionnaire : étapes et qualité des questions

À l'origine, le questionnaire est un outil qui a été développé dans le cadre scientifique de la psychologie sociale. Aujourd'hui, il est omniprésent. Si vous surfez sur le web, vous constatez que bon nombre de sites vous permettent de donner votre avis sur à peu près tout en vous proposant de cocher des cases. On peut aussi vous questionner au téléphone ou dans la rue.

 

Enjeu

Ainsi un organisme qui collecte des données primaires fait remplir un questionnaire soit directement par le répondant, soit par un enquêteur. Les buts sont variés. Par exemple une entreprise peut conduire une étude de marché auprès de prospects ou un audit social, voire une simple communication ascendante, auprès de ses salariés.

La construction d’un tel outil n’est pas à prendre à la légère puisqu’il se situe en amont de toute une démarche statistique et de décisions opérationnelles. Elle est nécessairement le fruit d’un travail collectif.

Bien sûr, son établissement tient compte de la façon dont l’enquête sera conduite : papier, téléphone, informatisée en face à face (CATI), par Internet (CAWI) ou en réunion (CAGI).

Il faut aussi garder à l'esprit que l'enquête elle-même peut modifier des opinions (voir la page sur l'opinion publique).

Les étapes préalables sont les suivantes.

 

Première étape : quelles informations chercher ?

Tout dépend de l’objectif de l'enquête : explorer un thème nouveau ou valider des hypothèses dans un but de généralisation ? Ainsi le champ de recherche peut être très large ou au contraire très dirigé.

Le questionnaire pose les limites de l’enquête. Les données devront donc être adaptées à la problématique et en nombre suffisant pour correctement circonscrire le sujet tout en n’étant pas pléthoriques, ce qui fatiguerait le répondant (à moins de le motiver par une récompense). Un questionnaire d’interview est plus souple qu’un questionnaire écrit car il peut plus facilement évoluer au cours du sondage, le cas échéant.

En revanche, il n’est pas conseillé de profiter d’une enquête pour poser des questions qui n’ont pas grand-chose à voir avec le sujet principal.

 

Deuxième étape : quel type de question doit-on poser ?

Les questions sont ouvertes ou fermées.

Les questions ouvertes sont celles qui permettent au répondant de s’exprimer sans que ses réponses soient « calibrées » par un certain nombre de possibilités préétablies. Les réponses apparaissent souvent sous forme de phrases. Utilisé pour une étude de marché, ce type de question vise surtout à cerner les motivations du consommateur. Il n’est pas rare qu’un questionnaire ne soit composé que de questions fermées, sauf la dernière qui est ouverte.

Les questions fermées se prêtent beaucoup mieux à une exploitation statistique que les questions ouvertes. Leur formulation ne doit comporter aucune ambigüité dans la mesure où les réponses sont pré formatées et que le répondant doit juste cocher des cases. Il en existe plusieurs types.

Les questions dichotomiques appellent une réponse binaire, souvent oui ou non. À partir de ces réponses, les traitements statistiques les plus courants sont le test de proportion et le test d’indépendance du khi². Il est recommandé d’éviter de proposer un choix entre d’accord et pas d’accord car il existe un biais en faveur de d’accord.

Les questions à réponse nominale permettent un choix entre plusieurs modalités d’une variable, par exemple les catégories socioprofessionnelles. Les réponses font l’objet de statistiques descriptives et de graphiques. Les traitements statistiques sont beaucoup plus riches lorsque ces modalités sont étudiées conjointement avec des variables quantitatives cardinales.

Les questions à réponse ordinale demandent de classer ses préférences. À titre d’exemple, on peut proposer à un internaute de cliquer sur le produit qu’il préfère parmi une douzaine. Le produit cliqué disparaît aussitôt de l’écran et la même question est posée sur la base des produits restants. Et ainsi de suite.

Les échelles de notation : voir les pages échelles non comparatives et échelle d’Osgood. Elles permettent par exemple de mieux connaître les attitudes des consommateurs.

Les questions pour lesquelles la réponse est cardinale sont soit ouvertes soit fermées : l’âge, les dépenses de logement, le nombre de paquets de chips achetés dans l’année… Couplées ou non avec les variables nominales, elles permettent la plupart des traitements statistiques. Le répondant peut soit répondre directement en donnant un chiffre, soit cocher une classe de valeurs.

L’ordre des questions est lui aussi important, surtout si l'enquête est écrite. Un questionnaire commence par présenter ses objectifs puis par poser quelques questions introductives simples, qui ne réclament pas une profonde réflexion et qui permettent le cas échéant de s’assurer que le répondant fait bien partie de la population-cible. Puis l’enchaînement se déroule de façon logique, avec des transitions entre les thèmes s’il y en a plusieurs. Si des questions plus sensibles que d’autres sont posées, elles le sont en fin de questionnaire. Ainsi, en l’absence de réponse, le reste du questionnaire demeure exploitable.

Attention à l'effet de halo : la réponse à une question ne doit pas emprisonner le répondant dans une attitude qui oriente ses réponses ultérieures.

 

Troisième étape : la préenquête (ou prétest)

Le projet de questionnaire (ou pilote) est testé sur un nombre restreint de répondants.

Le prétest peut prendre la forme d’une enquête auprès des salariés de l’entreprise où est élaboré le questionnaire, par intranet ou autre. Si les moyens financiers le permettent, le projet est testé sur un échantillon de la population-cible.

 

Quatrième étape : l’évaluation de la préenquête

C’est la dernière étape avant la rédaction définitive du questionnaire. Elle consiste à s’assurer que les questions ont été comprises et que les réponses sont cohérentes. Le questionnaire peut bénéficier de quelques aménagements : ordre des questions, précision de la formulation pour améliorer le taux de réponse et la fiabilité, granulométrie des échelles, etc.

 

Les qualités d’une bonne question

Les questionnaires s’appliquent souvent à la qualité d’un service. Juste retour des choses, observons la qualité du questionnaire lui-même.

La simplicité des mots employés est une qualité essentielle. Il faut savoir se mettre à la place des répondants et éviter les termes techniques. Si les questions sont posées à une catégorie de la population seulement, les mots utilisés doivent évidemment être compris par cette catégorie.

Une bonne question ne comporte pas de termes flous ou ambigus. Les adverbes fréquemment, rarement, souvent… ne signifient pas la même chose pour tout le monde. En fait, de très nombreux mots ont des définitions différentes dans l’esprit des personnes interrogées. Exemple : « vos amis pensent-ils que… ». Mais qu’est-ce qu’un ami ? Pour certains c’est quelqu’un de très proche, pour d’autres les collègues en font partie, d’autres acceptent un périmètre très large, etc.

Les doubles négations sont bannies. Mais le fait d’utiliser une forme positive ou négative peut influencer le répondant. Il vaut mieux présenter les deux formes et ensuite vérifier la cohérence des réponses.

Une question tendancieuse influence les répondants. En d’autres termes, si une question ne lui paraît pas neutre, l’interviewé est parfois enclin à donner la réponse qui semble attendue de lui.

Les questions fermées peuvent proposer l’option « je ne sais pas » mais pas systématiquement. Par facilité, certains répondants peuvent être tentés par ce choix qui n’apportera pas grand-chose à l’analyse. Mais d’un autre côté, cette réponse est préférable à une réponse fausse…

Un questionnaire ne doit jamais comporter deux questions en une seule. « Trouvez-vous que la couleur et l’odeur de cette bière sont agréables ? » est évidemment une question à séparer en deux.

 

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