L'additivité de la loi de Poisson

Propriété d'additivité de la loi de Poisson

Le sujet peut sembler pointu. Mais les implications de la propriété d’additivité de la loi de Poisson sont particulièrement intéressantes et elles comptent pour beaucoup dans l’utilisation fréquente de cette loi de probabilité.

 

Propriété

Soit deux variables aléatoires (v.a) discrètes et indépendantes \(X\) et \(Y\) sur un espace probabilisé \(Ω\) qui suivent chacune une loi de Poisson, respectivement de paramètres \(λ\) et \(μ.\) Alors la v.a \((X + Y)\) suit une loi de Poisson de paramètre \((λ + μ).\) Cette propriété s’étend à un nombre quelconque de v.a.

Réciproque de cette propriété : une v.a distribuée selon une loi de Poisson peut être considérée comme la somme de v.a indépendantes distribuées selon des lois de Poisson.

 

Démonstration

Rappelons d’abord la formule de la probabilité d'évènements indépendants, telle qu’enseignée au lycée :

\(P(A \cap B\; \cap ... \cap \;Z)\) \(=\) \(P(A) × P(B) × ... P(Z)\)

Ainsi, la probabilité d’observer plusieurs évènements indépendants n’est autre que le produit des probabilités que chacun de ces évènements survienne.

Cherchons \(P(X + Y = k).\) Pour peu que \(k\) ne soit pas nul, il existe plusieurs façons d’obtenir \(k\) en additionnant deux entiers naturel \(k_1\) et \(k_2.\) La probabilité d’obtenir \(k\) s’analyse donc avec la formule des probabilités totales, c'est-à-dire comme étant la somme des probabilités affectées aux bonnes combinaisons \(k_1\) et \(k_2.\) Plutôt que poursuivre la démonstration avec \(k_1\) et \(k_2,\) on peut se servir d’une astuce en introduisant un entier naturel \(j\) compris entre 0 et \(k\) :

\(P(X+Y=k)\) \(=\) \( \sum\limits_{j = 0}^k P(X=j)P(Y=k-j) \)

Rappelons l’expression de la loi de Poisson :

\(P(X=k) = \displaystyle{\frac{e^{- \lambda} \lambda ^k}{k!}}\)

Donc \(\mathscr{P}(k)\) \(=\) \(\sum\limits_{j = 0}^k e^{- \lambda} \displaystyle{\frac{\lambda ^j}{j!}} e^{- \mu} \displaystyle{\frac{\mu^{k-j}}{(k-j)!}}\)

L’idée est maintenant de sortir les exponentielles.

\(\mathscr{P}(k)\) \(=\) \(e^{-(\lambda + \mu)} \sum\limits_{j = 0}^k \displaystyle{\frac{\lambda ^j}{j!}} \times \displaystyle{\frac{\mu ^{k-j}}{(k-j)!}}\)

Rappelons aussi la formule du binôme de Newton :

\((\lambda + \mu)^k\) \(=\) \(\sum\limits_{j = 0}^k {\left( {\begin{array}{*{20}{c}}
k\\
j
\end{array}} \right)} \lambda ^{k-j} \mu^j\)

Rappelons enfin la formule d’une combinaison (coefficient binomial) :

\({\left( {\begin{array}{*{20}{c}}
k\\
j
\end{array}} \right)}\) \(=\) \(\displaystyle{\frac{k!}{j! (k-j)!}}\)

On constate donc qu’il est simple de faire apparaître la formule du binôme…

\(\mathscr{P}(k)\) \(=\) \(\displaystyle{\frac{e^{-(\lambda + \mu)}}{k!}} \sum\limits_{j = 0}^k \displaystyle{\frac{k! \lambda^j \mu^{k-j}}{j!(k-j)!}}\) \(=\) \(\displaystyle{\frac{e^{-(\lambda + \mu)}}{k !}} (\lambda + \mu)^k\)

On retombe bien sur la formule d’une loi de Poisson de paramètre \((λ + μ).\)

 

Exercice

La prestigieuse université XXX située sur la planète BZZ forme les extra-terrestres les plus performants de sa galaxie. Toutefois, on peut observer chez quelques rares étudiants deux types d’incompétence : le défaut A (incapacité à parler plus de 500 langues différentes) et le défaut B (incapacité à inverser une matrice \(100 × 100\) mentalement en moins d’une minute). Ces deux types de dysfonctionnements intellectuels sont indépendants.

Chaque année, 100 nouveaux étudiants sortent de XXX. Or, un étudiant présente un risque estimé à \(1\%\) de souffrir de la défaillance A et à \(2\%\) d'être affecté du problème B. Quelle est la probabilité de connaître deux défaillances exactement au sein d'une promotion ?

 

Corrigé

La probabilité de connaître une défaillance A est donnée par la loi hypergéométrique, approximée par la loi binomiale, elle-même approximée par la loi de Poisson. En effet, les conditions de taille et de faible probabilité sont réunies pour approximer la loi binomiale \(\mathscr{B}(100\,;0,01)\) par la loi de Poisson de paramètre \(100 × 0,01 = 1,\) soit \(\mathscr{P}(1).\) De même, la probabilité qu’une v.a \(Y\) indique une défaillance B suit la loi \(\mathscr{P}(2).\) La résolution de cet exercice avec des lois binomiales nécessiterait une usine à gaz. Quant à étudier un arbre pondéré avec 100 niveaux, n'en parlons pas.

Première technique : par un calcul membre à membre.

Il existe trois possibilités pour obtenir deux défaillances exactement : \(P(X=0) \cap P(Y=2),\) \(P(X=1) \cap P(Y=1)\) et \(P(X=2) \cap P(Y=0).\) Ces trois probabilités s’additionnent (probabilités totales).

\(P(k=2)\) \(=\) \(\left(\frac{e^{-1}1^0}{0!} \times \frac{e^{-2}2^2}{2!}\right)\) \(+\) \(\left(\frac{e^{-1}1^1}{1!} \times \frac{e^{-2}2^1}{1!}\right)\) \(+\) \(\left(\frac{e^{-1}1^2}{2!} \times \frac{e^{-2}2^0}{0!}\right)\)

\(\Leftrightarrow P(k = 2) \approx 0,224\)

Deuxième technique : par un calcul qui utilise la propriété d’additivité.

La loi de probabilité est \(\mathscr{P}(3).\) On cherche \(P(k = 2).\)

\(P(k=2)\) \(=\) \(\left(\frac{e^{-3} \times 3^2}{2!} \right)\) \(\approx\) \(0,224\)

À partir de cet exemple, remarquons la propriété d’additivité à partir d'une table. Si l’on multiplie deux à deux les nombres identiquement colorés ci-dessous, puis que l’on additionne les produits obtenus, on aboutit à la probabilité colorée en vert.

extrait de table

 

additivité de la loi de Poisson